Chaque matin, Marion Sauveur nous parle d'alimentation, de "mieux manger", de solutions concrètes pour changer ce qu'il y a dans notre assiette.
On parle alimentation, comme tous les jours, avec vous Marion Sauveur. Et aujourd’hui, on ne regarde pas dans votre assiette, mais dans votre verre et il y a du Bordeaux, un millésime 2050.
Oui vous avez sous vos yeux une cuvée du futur. Je n’ai pas emprunté la DeLorean du Docteur Brown dans Retour vers le Futur pour vous la ramener, puisqu’elle a été créée par un œnologue girondin, Pascal Chatonnet. Il a été sollicité par l’Association des journalistes de l’environnement, pour mettre au point ce que pourrait être une cuvée bordelaise sous le climat aquitain de 2050. L’objectif est de pointer du doigt les conséquences que pourrait avoir le réchauffement climatique sur le vignoble.
Selon les prévisions actuelles, les températures pourraient augmenter d’au moins 2 degrés par rapport à aujourd’hui, deux petits degrés qui amplifieraient les épisodes de sécheresse et de canicule dans la région aquitaine. Ce qui aurait une influence sur la vigne et le vin.
A quoi il ressemblerait le Bordeaux de 2050 ?
C’est un vin très différent de celui que l’on peut produire aujourd’hui dans la région bordelaise et qui est caractérisé par la fraîcheur de ses arômes, avec une combinaison de fruits noirs et rouges, une acidité rafraîchissante, des tanins tendus et de la finesse. Ce Bordeaux 2050 a une robe plus dense, une caractéristique du raisin qui a mûri notamment avec des épisodes de sécheresse. Au nez, on a des arômes de fruits très mûrs, presque confits, secs, avec un côté chocolaté. En bouche, l’attaque est épaisse, sirupeuse et rapidement tannique. Rien à voir avec l’actuel Bordeaux, qui est un vin de garde, contrairement à celui-ci qui vieillira prématurément.
Comment est-ce qu’il a été réalisé ce vin de 2050 ?
A partir des deux principaux cépages présents dans la région bordelaise : le merlot et le cabernet sauvignon, un assemblage quasi moitié – moitié. Mais avec des raisins qui ont poussé bien plus au sud de Bordeaux, là où les températures avoisinent avec celles prévues en 2050 en Aquitaine : en Languedoc-Roussillon et en Tunisie. Et c’est ce qui explique le goût moins fin que celui de l’actuel Bordeaux, sous ces latitudes particulières, l’équilibre de maturation du raisin n’a pas été atteint. Parce qu’avec le soleil, les raisins ont accumulé beaucoup de sucre, plus il y a de sucre, plus le degré d’alcool est élevé, pour éviter qu’il soit trop important et dépasse les 13 degrés et demi d’alcool, comme dans l’actuel Bordeaux. Il faut ramasser le raisin plus tôt et il n’arrive pas à un équilibre de maturité.
Marion, il y a des solutions pour éviter que le vin de Bordeaux deviennent ainsi dans 30 ans ?
Oui, l’œnologue Pascal Chatonnet avance qu’il suffirait de modifier les cépages du Bordelais. L’idée serait de ramener dans la région des cépages oubliés comme le Carmenere, cépage chilien qui avait été implanté en Aquitaine, mais qui, faute de chaleur, avait du mal à mûrir. Ou des nouveaux cépages qui ont besoin de plus de temps pour se développer comme le Syrah ou le Tempranillo que l’on trouve en Espagne. L’idéal serait d’implanter dès aujourd’hui ces nouvelles vignes puisqu’il faut une quinzaine d’années pour qu’elles commencent à produire des raisins de qualité.
Marion, vous nous parlez du Bordeaux, mais qu’est-ce qu’il en est pour l’autre grande région viticole française la Bourgogne ?
C’est encore plus complexe. Dans cette région au climat continental, le réchauffement climatique risque d’accentuer la sécheresse estivale et d’amplifier les épisodes de grêle. En Bourgogne, les vins ne sont pas des assemblages de plusieurs cépages comme en région bordelaise, mais des monocépages de pinot noir ou chardonnay. Impossible donc de compenser en introduisant un nouveau cépage dans la région.