Pour Hélène Jouan, cheffe du service politique d'Europe 1, le livre de François Hollande est avant tout un moyen pour l'ancien président de persuader les autres et lui-même que le socialisme n'est pas mort.
Un nouveau livre sur le quinquennat de François Hollande, un de plus. Mais cette fois, c'est le sien. Dans Les leçons du pouvoir (éditions Stock), paru mercredi, l'ancien président parle un peu de lui, beaucoup de son successeur, et prend la défense du socialisme.
Une erreur concédée. "Présider", "décider", "choisir", "réformer", "affronter"... l'ouvrage commence avec une étrange table des matières, dont les verbes à l'infinitif disent l'injonction à agir, quand il a tant été reproché à François Hollande de ne pas assez le faire. Tout au long des 400 pages, l'ancien chef de l'État fait pièce à ces accusations. Il n'y a guère que lui pour défendre pied à pied son bilan, les entreprises sauvées, les promesses tenues, les comptes publics restaurés, la voie du réalisme économique enfin empruntée par la gauche, la zone euro ressoudée. Finalement, une seule vraie erreur est concédée, la déchéance de nationalité. C'est bien simple, un martien débarquant en France aujourd'hui se demanderait simplement pourquoi François Hollande n'en est plus le président.
Macron, chanceux sans foi ni valeur ni ancrage. Ce qui n'empêche pas son successeur d'être omniprésent. La relation avec Emmanuel Macron est évoquée dans un chapitre, avec une antiphrase en tête : "faire confiance ". Une réponse à la question "m'a-t-il trahi ?". Et on retrouve là tout François Hollande. Il pourrait répondre simplement "oui" ou "non". Trop simple et binaire sans doute. L'ex président préfère poser les manquements de son ancien conseiller et ministre, laissant le soin à chacun de juger. Mais le portrait en creux qu'il dessine de son successeur vaut tous les verdicts : silhouette d'un ambitieux et d'un chanceux sans foi, ni valeur, ni ancrage, ni courage. C'est, par exemple, d'une bévue de Stéphane Bern que François Hollande comprend que se trame la candidature de Macron, vaudevillesque.
Spectacle de sa propre cécité. L'ancien président enchaîne les coups de pattes, les coups de griffe à "ceux qui croient que dans le ciel ne luit qu'une seule étoile, la leur, et qu'ils ne sont liés à rien ni personne" quand, hier encore, "le vieux monde leur apportait aide et fraternité". Narcisse blessé et trahi, François Hollande offre curieusement à voir le spectacle de sa propre cécité, même s'il se défend d'avoir été naïf. Difficile de lui faire grâce de cette faiblesse quand il nous raconte lui-même avoir compris seulement le 10 mai, trois jours après l'élection d'Emmanuel Macron, que le but du nouveau président n'était rien d'autre que l'absorption du PS.
S'il n'y a qu'un chapitre sur Emmanuel Macron, c'est bien lui qui inspire tout l'ouvrage. Plus encore que le passé, sa politique et sa pratique du pouvoir actuelles est passée au crible. "La république a eu ses grands hommes sans qu'elle ait eu besoin de les sacraliser", raille par exemple François Hollande.
Plaidoyer pour le socialisme. Se pose alors la (bonne) question de l'utilité du livre. Le lecteur y découvrira les coulisses d’un président, les négociations diplomatiques, des portraits bien brossés d'Angela Merkel, Vladimir Poutine ou Barack Obama. Les électeurs socialistes en deuil y trouveront un bilan à revendiquer. Les frondeurs d'hier encaisseront la charge que l'ancien président leur fait porter de son propre empêchement. Mais pour François Hollande ? Cette utilité tient en une phrase, adressée à son propre camp :"Celui du progrès", écrit l'ancien chef de l'État. "C’est ce qui a été appelé 'l'ancien monde'. C'est le mien. Et il a de l'avenir."