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Le 23 avril 1616, mourait Miguel de Cervantes, auteur de Don Quichotte, l'occasion pour Raphaël Enthoven de revenir sur l'épisode des "moulins à vent".

Le 23 avril 1616, mourait à Madrid l'immense Miguel de Cervantes, auteur de Don Quichotte qui est, incontestablement, le plus célèbre des livres que plus personne ne lit. L'occasion, pour vous, de revenir sur le plus célèbre de ses chapitres : l'épisode fameux des "moulins à vent".

Don Quichotte et Sancho chemine tranquillement dans la plaine de Montiel, sous une lumière qui, à cette heure de la matinée, les frappe de coté sans les fatiguer, quand soudain, ils aperçoivent 30 ou 40 moulins à vent (qu'il faut aujourd'hui se représenter comme des éoliennes) : "regarde, Sancho, 30 géants se montrent, avec qui je veux me battre pour leur ôter à tous la vie, et avec leurs dépouilles, nous commencerons à nous enrichir !" Et Sancho a beau dire à son maître que ce sont juste des moulins dont les ailes font marcher la pierre (et ne sont pas des bras), Don Quichotte, couvert de sa rondache, éperonne son cheval aux cris de "Fuyez, couardes et viles créatures, c'est un seul chevalier qui vous attaque !"

Et que répondent les moulins à cette menace ?

Rien, justement. Mais Don Quichotte n'entend guère ce silence. Don Quichotte a recouvert le silence des moulins du vacarme de son propre combat. Il n'a pas d'adversaire mais - comme un enfant feint d'être poursuivi par les objets ou les gens dont les allées et venues ne le concernent en rien - il donne la vie à des moulins qui n'en veulent pas.

Au fond, Don Quichotte est juste un enfant qui ne veut pas grandir ?
Comme bon nombre d'entre nous ! Il n'y a pas d'âge pour être un enfant, ou pour chasser des moulins à vent.

C'est-à-dire ?
De quoi la guerre à des moulins inoffensifs est-elle la métaphore ?  Du sentiment que (de même que Don Quichotte prend les ailes des moulins pour des bras armés) sous un mécanisme, il y a toujours une intention. Du refus que la nécessité ne soit pas l'expression d'une volonté. Parce que si les choses nous faisaient mal sans en avoir l'intention, alors nous serions ds l'affreuse position de celui qui souffre sans pouvoir accuser qui que ce soit... Prenez la mondialisation, par exemple : c'est un moulin à vent, c'est un mécanisme impitoyable dt les grands bras vous envoient ds la boue ou bien (comme dit Cyrano) dans les étoiles, et qui se fout de savoir qui est l'élu ou qui est le réprouvé. Mais comme la neutralité de ce mécanisme est encore plus insupportable que le mécanisme lui-même, on a voulu penser, comme Don Quichotte voit des géants, qu'un tel système était la manœuvre d'une caste d'esprits fourbes attachés à nous laver le cerveau. Ce qui revient à lutter de travers ! C'est le syndrome de Don Quichotte : le déni de la réalité prend la forme d'un décryptage de la réalité. L'aveugle est persuadé d'être clairvoyant. On croit mieux voir quand on lit des intentions sous des causes.

Et comment finit Don Quichotte ?

Il prend une aile en pleine tête, évidemment. Non parce que le moulin lui en veut, mais parce qu' il est idiot, dangereux et surtout contre-productif d'attaquer frontalement le moulin qu'on a pris pour un géant.

La morale de l'info ?
On combat avec la connaissance. Pas avec les rêves.