Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.
Incontournable dans la presse ce matin : la réforme de la SNCF
Avec un titre qui fait l’unanimité : "la réforme à grande vitesse". Jeu de mot en Une du Figaro avec une photo d’Edouard Philippe. Du Parisien avec une photo d’Emmanuel Macron. Mais aussi du Télégramme, des Dernières Nouvelles d’Alsace. "Réforme à vitesse grand V", en page 3 de Ouest-France, "réforme TGV" dans l’édito de la Voix du Nord et dans La Croix. Une variante tout de même, sur le site Médiapart, qui parle d’une "loi à trop grande vitesse".
Mais à part cette nuance, ce qu’on retrouve dans vos journaux, ce sont à la fois les mots et les préoccupations énoncées hier par le Premier ministre.
La "menace de grèves" par exemple : "le gouvernement pourra-t-il éviter les blocages de 1995 ?" se demande Nicolas Beytout dans l’Opinion, jugeant que "c’est jouable, parce que les syndicats se sont affaiblis et que, le statut des cheminots qui a longtemps été vu comme un avantage est désormais considéré comme un privilège". De l’importance des qualificatifs. "Grève de 1995", "privilèges", mêmes mots dans l’édito des Echos. Mais tout le monde n’est pas séduit par ce discours.
Dans la Charente Libre, par exemple, Maurice Bontinck y voit une "guerre sémantique : tout ça n’est qu’une manière de dire que les soi-disant "partisans du statu quo" sont obsédés par la défense de leur corporation et non par l’intérêt des usagers."
"L’intention politique est limpide, résume le Parisien, montrer qu’on peut réformer le pays et affaiblir les syndicats". "Nous ne sommes pas dupes, explique un syndicaliste, toujours dans le Parisien, le gouvernement nous jette en pâture au français alors que la dette de la SNCF n’est pas celle des cheminots, c’est celle de l’Etat qui a voulu des lignes TGV."
"Non, les trois milliards de trous laissés par la SNCF chaque année ne vont pas être comblés par la fin du statut des cheminots", ajoute Yann Marec dans Midi Libre.
Même constat dans l’Humanité, et dans le Courrier Picard : "Le Premier ministre flatte, non sans un brin de poujadisme, une opinion prompte à dénoncer les "privilèges", écrit Daniel Muraz dans son édito. Le Courrier Picard qui s’inquiète pour les cheminots, mais aussi et surtout pour "la disparition des petites lignes", qui sont loin "d’être sauvées" : "pas l’ombre d’une proposition de financement", écrit le journal qui dresse la liste des lignes régionales en sursis, "or refuser de répondre à la question "qui va payer", c’est signer leur arrêt de mort."
Sinon, pour détendre l’atmosphère, dossier dans Science & Vie sur "la méditation et l’hypnose".
Oui, le magazine fait le point sur leurs effets sur la santé. Contre les addictions par exemple, la médiation est efficace mais pas vraiment l’hypnose. Même chose contre l’anxiété et la dépression. A l’inverse, contre la douleur, c’est l’hypnose qui est plus probante. Autant d’évaluations qui restent suspendues à cette question capitale : est-ce que ça marche sur tout le monde ? Eh bien, "pas sûr", nous dit Science & Vie, pour la méditation comme pour l’hypnose, tout le monde n’est pas forcément réceptif.
"Et pourtant, note Jean-Marc Benhaiem, professeur à la Pitié Salpétrière, nous sommes tous influençables : songez aux jeux, aux publicités, aux addictions, toutes ces choses agissent sur nous de manière hypnotiques. Il nous faut, dit-il, prendre conscience de cette fragilité pour la transformer en faculté."
Une réflexion à mettre en perspective avec cet autre article, publié cette fois sur le site Usbeck & Rica.
Annabelle Laurent a interrogé le fondateur de "Dopamine lab", une entreprise californienne dont la vocation est de "créer de l’addiction" chez les utilisateurs de smartphone.
Ramsay Brown explique comment il utilise les neurosciences pour vous rendre accros à votre appli de fitness ou de régime, en envoyant la bonne notification, au bon moment, celle qui fait plaisir, celle qui va créer de la dopamine dans votre cerveau. C’est vertigineux, mais "la technologie est là pour nous aider, dit-il, pas pour nous faire du mal". Et de préciser qu’il a refusé de travailler pour des applications de jeux d’argent ou de casinos. Jusqu’ici tout va bien.
A propos de téléphone, plusieurs journaux reviennent sur le "Mobile World Congress" qui se tient à Barcelone.
Oui, c’est le salon international du téléphone portable. On en parle dans le Parisien, sous l’angle "nouveautés" avec ce "téléphone capable de piloter une voiture tout seul", "on le pose sur le tableau de bord, on démarre et la pédale d’accélération s’enfonce d’elle-même". Là aussi, comme pour l’hypnose, c’est une question de confiance.
Les Echos abordent, eux, l’angle économique pour la ville de Barcelone, "abîmée par la crise politique en Catalogne".
Et puis, Le Monde met en avant "le côté obscur" des nouvelles technologies, addictives car bâties sur l’obsolescence programmée. "L’ONU estime que près de 45 millions de tonnes de déchets électroniques ont été générés en 2016, écrit le journal, autrement dit une augmentation de 8% par rapport à l’année précédente (…) et ce chiffre n’est pas parti pour baisser, bien au contraire, les projections prévoient une hausse de 21% d’ici à 2021".
"Rien qu’aux Etats-Unis, les consommateurs changent de téléphone tous les deux ans, "mais il ne faut pas culpabiliser les utilisateurs, explique Jack Hunter, porte-parole de la fédération d’ONG environnementales BEE, en réalité les fabricants ont une grosse marge de progression pour allonger la durée de vie de leurs produits, mais, en l’absence de loi, ils se contentent de tirer profits de l’obsolescence. Pire, ils paralysent les lois favorisant le "droit à réparer" et ils utilisent celles qui existent sur la propriété intellectuelle pour menacer tous ceux qui mettraient en accès libre des notices de réparation sur le web."
On l’a compris, l’organisation appelle les Etats à légiférer pour favoriser les réparations et empêcher l’obsolescence. Message qui n’a pas pu être diffusé dans le Salon du Mobile, conclu Patricia Jolly, puisque les organisateurs ont refusé d’accueillir les ONG. Voilà, un autre regard sur ce que propose le slogan du salon : "créer un avenir meilleur", à lire donc sur le site lemonde.fr.
Enfin, lui portait indéniablement un autre regard sur l’actualité : Libération rend hommage au photoreporter Laurent Troude.
Plus 20 ans de reportage, essentiellement politique, à traquer les moments de vérité sur les visages des élus. "Libération est en deuil, écrit Laurent Joffrin qui précise que "celui qui était l’un des meilleurs photographes de la presse française a préféré partir, il a choisi de nous quitter et nous laisse désemparés".
Quatre pages d’hommage et ses photos qui illustrent nos dernières années politiques : de Jacques Chirac au Mont Saint-Michel en 2002, à Emmanuel Macron, immortalisé samedi, il y a deux jours donc, au Salon de l’Agriculture, dans une position curieuse : regardant au loin, la main droite agrippée fermement à la corne d’une vache qui ne moufte pas.
Hommage aussi dans l’Humanité, où il a commencé, et puis sur le site Les Jours, où c’est son confrère Sébastien Calvet, lui aussi photographe spécialiste ès politique, qui raconte "qu’il n’était jamais content, jamais satisfait, "qui n’a pas connu Laurent Troude de mauvais poil n’a pas connu Laurent Troude, il râlait souvent, contre la com’, contre les lieux, (je peux ajouter contre les micros des radios !), mais chaque fois il en sortait une photo qui faisait sens".
Voilà, d’où la difficulté ici en radio de trouver les mots, de décrire ces photos dans ce qu’elles ont de saisissant, d’inattendu, finalement de parlant. Mais c’est à ça que ça sert aussi une revue de presse, c’est vous encourager à aller les regarder, par vous-même !