Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.
Dans la presse ce matin, le "vieux monde" en question.
L’expression revient beaucoup ces temps-ci, et sur des sujets très divers. Qu’est ce qui est définitivement à reléguer au rayon du passé ? Qu’est ce qui est fini ? Qu’est ce qui a vécu ?
La Une de Libération par exemple fait coup double, avec d’un côté "Mugabe, la chute d’un despote", et de l’autre, "Ratko Mladic, le dernier boucher d’ex-Yougoslavie".
Le premier d’abord, Robert Mugabe, 93 ans et 37 années passées au pouvoir, a finalement démissionné.
"Il s’en va mais son système reste", titre Médiapart qui explique qu’au Zimbabwe, le parti de Mugabe et sa caste politico-militaire gardent la main. Une élite qui, après avoir ruiné l’agriculture, s’est ruée sur le secteur minier malgré le marasme général, écrit Fanny Pigeaud, la prédation s’est accentuée".
Pourtant, sur Twitter, le parti promet "une nouvelle ère".
Comme un air de déjà vu, de déjà promis.
Et puis l’autre incarnation d’un passé pas si lointain mais qui bouge encore, c’est donc Ratko Mladic, l’ancien général des serbes de Bosnie qui comparait, rappelle Libération, pour "génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité".
Pour mesurer l’horreur, le journal Le Monde publie quelques témoignages parmi les 4.600 recueillis depuis 1993 par le TPI.
Et puis sur le site de l’AFP Making-of, on trouve le récit de Sonia Bakaric, correspondante de l’agence en 1994. Elle raconte, son "envie de hurler contre l’inaction du monde dit "civilisé" : je réalisais après 40 mois de guerre, qu’aucune dépêche, aucun n’article ou photo ne pouvait changer le cours des choses. Les photographes, exténués, n’en pouvait plus de couvrir cette guerre, redoutant d’être tombés dans une "pornographie de la mort" qui n’intéressait personne".
Des images qu’elle publie, donc, pour illustrer son récit, effrayantes de déshumanisation. Photo de Odd Andersen, par exemple, où l’on voit des experts du TPI fouiller un magma de draps emmêlés au fond d’une fosse. En regardant bien, on finit par apercevoir un os, un bassin, un crâne, des crânes, des corps pétrifiés.
Photo aussi insoutenable de Georges Gobet, d’un enfant, à la morgue de Sarajevo en 1992.
"Je n’ai jamais écrit la moindre ligne sur ces années de ma vie, conclue la journaliste, il m’aura fallu 20 ans pour le faire. L’histoire ne finira jamais pour moi qui suis né là-bas, comme des tombeaux qui ne cessent de s’ouvrir, j’en garde des trous au fond de moi".
Un témoignage brut, direct, à bout de nerf, que vous pouvez retrouver sur le site Making-of AFP.
Oser regarder le vieux monde en face, c’est aussi le thème de l’hebdomadaire Le 1 qui sort aujourd’hui.
Oui avec ce titre "délivrez nous du mâle", "mâle" avec l’accent circonflexe. "Le vieux monde serait-il en train de s’effondrer ?" demande l’écrivain David Foenkinos qui revient sur le hashtag de la discorde, "balance ton porc" et s’adresse au harceleur :
"il faut que tu regardes en face ce qui se passe, oh ! mon pauvre homme, il me semble que nous sommes en train d’achever ton passé, ton époque est révolue. Pire encore, demain est un monde auquel tu n’appartiens plus. Il faut croire en l’après, conclue Foenkinos, sans être dans l’utopie, il semble qu’au sein des entreprises ou dans les transports en commun, les femmes respireront un meilleur air".
Une tribune publiée donc dans Le 1, et intitulée "l’an 1 de la révolution".
Plus sceptique en revanche, Télérama s’intéresse au harcèlement chez les jeunes. A l’école, le vieux monde bouge encore.
"On nous parle de prévention et de contraception, explique Marvin, 17 ans, mais jamais de viol ou de consentement'. L’hebdo raconte le 'jeu de la main', où l’on gagne des points en touchant les seins des filles, le slut shaming, qui consiste à faire tourner des images dégradantes d’une camarade de classe. Et puis les insultes, tellement banales que les profs ne réagissent plus… Par exemple, Inès, 11 ans, qui appelait sa meilleure amie "ma petite pute" avant que ses parents ne lui expliquent la signification. Conclusion sans appel d’une psychologue : 'nous sommes en pleine régression'.
Autre titre ce matin, on interroge la langue française.
Qu’est ce qui est vieux jeu ? Qu’est ce qui est moderne ?
La cigarette au cinéma, par exemple, c’est un reliquat de l’ancien monde. En revanche, plus d’égalité dans la langue française, ça, c’est une folie.
Le Premier ministre Édouard Philippe donc a bannit l’écriture inclusive des textes administratifs et l’affaire fait la Une de plusieurs journaux…
"On ne peut qu’être d’accord, écrit Jean-Marc Chevauché dans le Courrier Picard, tant cette invention débile n’a pu germer que dans quelques cerveaux malades".
Rien que ça…
"Écriture inclusive : Bernard Pivot dit non", ajoute Le Télégramme.
D’autre sont plus nuancés comme La Croix qui s’interroge : "féminiser l’écriture ou pas, le débat continue"
Dans l’Opinion, Michel Schiffres ironise sur "les capacités merveilleuses d’un gouvernement auquel rien n’échappe, jamais l’essentiel n’est sacrifié au profit de l’accessoire, ainsi l’écriture inclusive a été bannie, constate-il, le peuple attendait ce choix".
Sinon, dépasser la psychose des petits points noirs à la fin des mots, il y a l’article d’Agnès de Féo, publié sur le site Slate.fr.
La sociologue revient sur des décennies de tentative de féminisation, ou plutôt d’universalisation de certaines expressions, par exemple "droits humains » au lieu de « droits de l’homme". Une analyse au bout de laquelle on constate le retard de la France par rapport à ses voisins allemands, italiens, espagnols ou encore québécois qui eux, ont abandonné nombre de tournures langagières à l’ancien monde.
Enfin, ce portait surprenant de l’attaquant du PSG, Edinson Cavani dans le Figaro.
Oui, lui vient d’un autre monde, "un ovni dans la galaxie football, écrit Gilles Festor. Cavani, c’est 149 buts avec le Paris SG, mais c’est aussi une personnalité discrète, mystérieuse, dont on sait assez peu de chose".
Son biographe, Romain Molina, raconte : "Il n’a pas du tout les mêmes délires que les autres joueurs du PSG. L’été dernier, quand tous étaient à la plage, Edinson était à la campagne dans son Uruguay natal, avec son poncho vert, par 7 degrés seulement."
Simplicité et amour de la nature sont les maitres mots de l’attaquant, écrit Le Figaro, qui décrit "son rapport fusionnel voire mystique avec tout être vivant, du végétal au monde marin. Régulièrement, il rend visite à un ami ornithologue pour prendre des oiseaux sur lui et leur parler, il va pêcher le poisson-chat dans les étangs de Rambouillet en payant son droit d’entrée comme tout le monde. Bref, un homme du peuple, conclu le journal".
Un homme du peuple à 15 millions d’euros par saison.
Définitivement un autre monde.