Dans une interview accordée aux Echos, Vincent Bolloré dévoile sa stratégie pour Canal+. Il révèle notamment que certaines émissions passeront en crypté et qu'iTélé n'est pas à vendre.
Le patron de Vivendi, la maison mère de Canal+, veut réduire encore un peu plus les plages en clair. Selon lui, c’est le moyen le plus efficace pour "sauver" Canal+.
Il y a tout juste un mois, Vincent Bolloré se retrouvait face aux actionnaires du groupe Vivendi pour une assemble générale, en forme de one-man-show, à l’Olympia. Il avait eu cette petite phrase, très commentée à l’époque, et pour le moins inquiétante : "Vivendi ne pourra pas apporter de l’argent indéfiniment à Canal+". Il n’en fallait pas beaucoup plus pour créer l’inquiétude sur l’avenir de la chaîne cryptée. Ce matin, dans Les Echos, Vincent Bolloré se veut un peu plus rassurant.
"Non seulement Canal+ est sauvable, mais Canal+ sera sauvé", ce sont ses mots. Alors attention, ça passe par une stratégie ferme. Ce sauvetage est sous condition. La première d’entre elles, ce sont évidemment des économies drastiques. On en a eu un exemple retentissant avec le Grand Journal privé de Croisette pendant le Festival de Cannes. Aujourd’hui, on entre dans la deuxième phase de son projet, une démarche "sur le long terme", assure Vincent Bolloré. Après les mesures d’urgence engagées l’été dernier, après le grand ménage chez les dirigeants du groupe, la direction est claire désormais…
Il faut d’abord solidifier les acquis, assurer ses arrières et notamment cette alliance avec BeIn Sports dont Canal veut devenir le distributeur exclusif. Un mariage sur lequel l’Autorité de la concurrence se prononcera dans les jours à venir. Et puis aussi donner la priorité aux abonnés. Depuis quelques mois, Canal+ est soumise à une violente hémorragie du nombre de ses téléspectateurs payants. Depuis juillet dernier, la chaîne cryptée aurait perdu un peu plus de 400.000 abonnés. L’objectif est d'inverser cette tendance inquiétante.
Pour Vincent Bolloré, ça passe par des changements dans les tranches en clair.
Depuis sa reprise en main de Canal+, Vincent Bolloré a un objectif très clair : lui rendre le lustre d’une chaîne "premium" et offrir ce qu’il considère comme étant les meilleurs programmes mais l’offrir en exclusivité à ses abonnés, et à personne d’autres. Jusqu’à aujourd’hui, les tranches en clair, à la mi-journée ou en access prime-time, étaient la vitrine de la chaîne. Elles étaient là pour attirer le chaland. Ça va changer. Son argument principal, le grand patron du groupe Canal+ le trouve à l’étranger : aucune chaîne à péage dans le monde ne propose de tranche en clair. Aucune chaîne sauf Canal, donc. On sent qu’à terme, Vincent Bolloré veut un Canal+ "100% crypté".
Dès le mois de septembre, il compte donc réduire encore un peu plus ces périodes de diffusion en clair. C’est ce qui était advenu des Guignols, à la rentrée dernière. D’autres émissions se retrouvent dans le viseur selon Les Echos : le magazine d’actu dominical Le Supplément, l’émission média Le Tube, ou encore Salut les Terriens… Ces émissions ont vocation à constituer une offre de premier choix, en crypté donc. D’autres pourraient basculer sur les chaînes gratuites du groupe. C’est ce qui devrait arriver à La Nouvelle Édition, l’émission du midi de Daphné Bürki, que la rumeur envoie avec insistance sur D8, dès la rentrée prochaine.
Dans cet entretien aux Echos, Vincent Bolloré évoque aussi l’avenir d’iTélé.
La chaîne info du groupe Canal+ est dans le rouge. 16 millions d’euros de perte en 2014, 20 millions l’année dernière, une prévision à 24 millions cette année. Une situation rendue encore plus périlleuse par la concurrence de LCI, qui est devenue une chaîne gratuite début avril et par l’arrivée début septembre de la chaîne info du groupe France Télévisions. Il y a quelques jours, Mediapart croyait même savoir qu’iTélé était en vente autour des 200 millions d’euros.
Une rumeur balayée par la direction de Canal+. Vincent Bolloré apporte une réponse très claire ce matin : "Non, il ne faut pas vendre iTélé". En revanche, il faut la "redéployer". La pérennité de la chaîne info passe par un élargissement de son périmètre en créant une synergie avec les autres actifs du groupe Vivendi. Sur le contenu, ça passe par "plus de sport, plus de cinéma, plus de culture, plus d’économie, plus d’international".
Jusqu’à aujourd’hui, Vincent Bolloré passait pour un coupeur de têtes sans foi ni loi. Ce matin, il montre que sa stratégie est claire mais qu’elle passe par le crypté.