François Fillon reste imperturbable et n'a, semble-t-il, pas l'intention de retirer sa candidature. Au sein de son parti, le soutien est moins solide qu'il n'en a l'air...
Hier soir, dans une vidéo de trois minutes diffusée sur Facebook, François Fillon a réaffirmé qu'il se battrait de toutes ses forces jusqu'à la victoire. Un François Fillon imperturbable, droit dans ses bottes, alors que les parlementaires Les Républicains, sous le choc, sont pétrifiés.
Au moins tous le reconnaissent. Il a un estomac en acier, un sang-froid et une résistance qui les impressionnent. Alors que l'enquête judiciaire se poursuit et même s'intensifie, lui, contre vents et marées, participait hier à une séance photo pour sa prochaine affiche de campagne. Il a enregistré cette vidéo et l'on voyait bien, à ses traits tirés, qu'il doit mal dormir. Mais il annonçait qu'il n'a pas l'intention de céder. Un message où il passait du "JE" au "NOUS", puis au "VOUS". "JE resterai inébranlable devant tant de bassesses et de calomnies". Voilà pour le "JE". "C'est notre victoire qu'on veut NOUS voler." Voilà pour le "NOUS". "En cherchant à me casser, on cherche en réalité à VOUS briser, à briser VOTRE élan, qui s'est levé en novembre dernier." Façon de rameuter les sympathisants de droite, dont un sondage Odoxa révélait hier que 68% d'entre eux jugent qu'il a raison de tenir bon. Ce qui permet à François Fillon d'oublier dans le même sondage que 61% des Français lui demandent de se retirer.
Mais comment expliquer cette combativité ?
D'abord, il est dans le déni total. Il s'est auto-convaincu qu'il était clean. Ses proches disent qu'il est persuadé qu'il ne sera pas mis en examen, et même qu'un basculement de l'opinion pourrait bientôt intervenir en sa faveur. Et puis, son score de novembre lui donne la légitimité pour être candidat. Mardi, il a prévu de se rendre à Troyes, chez François Baroin. Jeudi, il sera à Poitiers, chez Jean-Pierre Raffarin. On annonce une grande initiative, la semaine prochaine. Laquelle ? Mystère...
Et alors que l'on parlait de "Plan B", en citant des noms pour le remplacer, eh bien lui, hier, a tenté de désamorcer toutes les initiatives qui visent à le faire renoncer. Il a vu Gérard Larcher, qui lui a apporté son soutien total, alors que le matin, L'Obs lui prêtait l'intention de vouloir au contraire le débrancher. Mais chez Les Républicains, beaucoup considèrent que le président du Sénat est le seul à avoir l'autorité pour le faire céder.
François Fillon a aussi parlé avec tous les "Plans B" : François Baroin, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez. Et tous lui ont dit : "On est avec toi." Même si "tous" pensent qu'il ne pourra pas tenir. La dégringolade dans les sondages le met déjà hors-jeu pour le 1er tour.
Qu'est-ce qui est le plus grave dans cette affaire ?
C'est la déception. Avec François Fillon, la droite croyait avoir trouvé son oiseau rare. Il cochait toutes les cases. Il avait le programme pour relever la France, l'expérience. Il était bon orateur. Un bon physique aussi. Mais surtout, on respectait l'homme. Sa crédibilité, son mur porteur, c'était sa probité. Avec lui, on tournait la page des affaires, des combines. On regrettait son manque de chaleur, mais autant qu'on appréciait sa droiture austère, sa rectitude exigeante. Ce grand redresseur de torts devant l'éternel était un homme insoupçonnable. Et puis, patratas ! Les révélations sur les emplois présumés fictifs de sa femme Penelope et de ses enfants ont modifié le portrait. Il apparait en profiteur d'un système "légal", proteste-t-il. Disons qu'il abusait, en douce, de cette légalité. Et qu'il ne dédaignait pas ces petits arrangements qu'il avait dénoncés jadis ! Un tartuffe...
D'où un problème politique…
Oui... Peut-on changer de personnage à l'orée d'une campagne ? Et puis surtout, comment peut-il continuer à prêcher la rigueur, demander aux fonctionnaires de travailler plus, sans gagner plus ? Un discours intolérable.
Vous voulez dire qu'à terme, il devra retirer sa candidature ?
C'est ce que pensent tous les élus de la droite et du centre, qui le soutiennent encore. Il leur avait demandé 15 jours. Tout le monde se téléphone pour dire "Il est fini !". Mais personne ne veut parler. Tout le monde se prépare à cet inéluctable. Mais avec qui, et comment ? Il n'y a pas de consensus sur un candidat de remplacement. Alors, il y a du désespoir et un gros malaise devant cet énorme gâchis.