Une étude affirme que les balles en caoutchouc tuent une personne sur 37, ou encore que 3% des blessées par des flash-ball décèdent, mais c'est faux.
Le Vrai Faux, Géraldine Woessner, et les balles tueuses (ou pas) des flash-ball.
Oui. J’innove aujourd’hui, Patrick, en vous parlant d’une étude avant que des politiques s’en saisissent. Vous n'entendrez personne dire d’âneries ce matin, je vais vous en lire, puisque ce sont les journaux qui relaient cette info. Au hasard, 20 minutes : les balles en caoutchouc tuent une personne sur 37. L’express : 3% des personnes blessées par des décèdent. C’est énorme.
Mais ça n’est pas vrai.
Eh non. L’étude pourtant, que citent ces journaux est sérieuse. Elle vient de chercheurs américains, qui ont compilé les résultats de 26 autres travaux, réalisés, dans le monde, ces 27 dernières années, pour évaluer la dangerosité de ces armes dites, à létalité réduite, et qui sont utilisées par presque toutes les polices du monde. Leurs conclusions : sur près de 2.000 personnes blessées dans six pays par cette famille d’armes, et que des médecins ont soignées, 53 sont mortes. 300 ont subi un handicap permanent, le plus souvent perdu un œil, les dégâts sont considérables. Les auteurs en concluent que ces armes ne sont pas adaptées au contrôle des foules, ils appellent les gouvernements à prendre des restrictions.
Le problème, c’est d’abord qu’on n’a aucune idée de la probabilité d’être blessé. On ne sait pas si les policiers ont tiré 400.000 balles, ou 4.000. Ces données, pourtant, existent. En Irlande des chercheurs avaient établi que, sur 55.000 balles en caoutchouc tirées dans le nord du pays pendant 5 ans, 3 décès étaient survenus donc 1 décès pour 18.000 tirs. L’ennui c’est que ces données sont anciennes, on n’a malheureusement pas d’autres études.
L’étude montre quand même que les blessures sont graves, et, si j’en crois la presse, que les flash-ball sont dangereux.
Non, justement. La France ne fait pas partie des pays étudiés, et les armes sur lesquelles portent cette étude n’ont rien à voir avec le flash-ball. On a pris celles utilisée en Israël pendant les deux intifada, celles des polices turques, américaines, des polices de la province du Cachemire en Inde, toutes de calibres différents et pour faire bonne mesure, 6 cas, étudiés en Suisse. Plus de la moitié des balles qui ont blessées ces gens avaient des fragments de plomb, un noyau métallique, et dans le cas d’Israël elles ont été tirées avec des fusils d'assaut, des M16 de l'armée américaine. Pas étonnant que ça blesse. Les flash-ball, qui ne sont pas vendus dans ces pays, ne sont tout simplement pas étudiés. En tirer pour nous, des enseignements, c’est hors sujet : et c’est dommage, car on n’a toujours pas de données précises sur la dangerosité de ce que notre police utilise. Des balles de caoutchouc, jamais de métal. Le ministère de l’Intérieur m’a transmis ses dernières données. Le flash-ball n’est presque plus utilisé, 473 balles ont été tirées en 2016, c’est le lanceur de balles de défenses qui l’a remplacé, plus précis, mais on tire de loin : 1.700 tirs en 2016. On sait que des gens ont été blessés, mais combien exactement, avec quelle gravité ? On l’ignore. L’Inspection générale de la police Nationale promet, bientôt, de les recenser.