Un sondage affirme que les trois quart des Français soutiennent l’écriture inclusive.
Le Vrai-Faux avec ce débat brûlant sur l’écriture inclusive.
Un débat qui enflamme nos élites parisiennes, depuis la publication récemment d’un manuel scolaire rédigé en écriture non-sexiste, c’est-à-dire hachée de points et de tirets pour rassembler les deux genres dans un même mot. Ses promoteurs sont entrés en campagne et depuis deux jours, on entend cette information qui laisse coi : les Français y seraient majoritairement favorables.
"Finalement, il n’y a pas besoin de débat : les français sont pour l’écriture inclusive ! (…) 10’50 on voit qu'il y a une immense majorité des Français qui est favorable à ce principe-là, 75% de la population"
Les trois quart des français soutiennent l’écriture inclusive. C’est vrai ou c’est faux ?
C’est faux et quand on lit le sondage en détail, c’est un modèle de manipulation. La première question qui est posée au panel de 1.000 répondants c’est : "connaissez-vous l’écriture inclusive ?". Là, on se dit que s’ils sont pour, c’est qu’ils connaissent. Pas du tout puisque 29% en ont vaguement entendu parler, 12% seulement savent vraiment ce que c’est. L’institut leur explique donc mais il ne donne pas la bonne information, il se contente de dire aux sondés que l’écriture inclusive c’est la féminisation des noms de métiers ou l’usage de "celles et ceux", plutôt que de "ceux". Pas un mot sur l’écriture qui fait polémique et notamment le fameux point central, le découpage des mots. Sur cette base, trois quart des répondants disent que oui, ils sont plutôt pour la féminisation des métiers sauf que l’on est complètement à côté du sujet.
Et c’est là qu’intervient l’organisme qui a commandé, payé le sondage et va le vendre à la presse. C’est une agence de communication qui s’appelle "Mots-clés", dont le fondateur est justement l’auteur d’un manuel d’écriture inclusive. Cette agence milite activement pour que cette forme soit adoptée et pour l’imposer dans le débat. Voici ce qui est écrit sur son site internet : "c’est en imposant ses mots, qu’on exerce son influence". "Il n’y a pas de leadership commercial sans leadership culturel". Nous n’avons rien trouvé sur le féminisme. Mots-clés se vente d’être à l’origine d’autres expressions à la mode comme "bien-manger", "Big Data Responsable" ou "performance contextuelle". Ses clients sont tous des boîtes cool qui vous vendent une idée, un concept, plutôt qu’un produit. Et ça marche, puisque ça fait parler.
On le construit, ce débat ?
On nous force à en parler car il n’y a rien de nouveau dans ce débat sur la langue et le genre. La féminisation des métiers, comme avocate ou postière, est apparue dès 1935 dans le dictionnaire. Ça fait des décennies que les grammairiens s’écharpent sur les accords de genre. Alors, on ne va pas régler la question ce matin mais on peut au moins poser les bases pour comprendre.
Dans notre ancien latin, il y avait trois genres : masculin, féminin et neutre. Ce neutre s’est peu à peu perdu dans le langage populaire. Au 17e siècle, les grammairiens, qui en débattaient déjà, ont tranché qu’en cas d’accord, le masculin, genre noble car supérieur, devrait s’imposer. On ne dirait donc plus "cœur et bouche ouvertes", mais "cœur et bouche ouverts". Pour les partisans de l’écriture inclusive c’est l’argument clé, si la langue est devenue sexiste parce qu’on l’a modifiée, on peut décider de la changer. Mais d’autres linguistes, pensent que non et que tout ça ce sont des foutaises. Le masculin pour eux s’est imposé parce que phonétiquement, il était proche du neutre en latin, le masculin depuis le genre neutre. Les grammairiens du 17e n’étaient qu’un miroir de l’élite de l’époque, c’est comme ça que l’on pensait. L’histoire imprime sa marque sur la langue et la féminisation des métiers s’est d’ailleurs imposée quand elle est devenue une réalité sociale, pas par la contrainte.
Et à travers ce sondage, ce sont deux conceptions qui s’affrontent, politiques : peut-on manipuler la langue pour modifier les comportements et les esprits. Certains, à l’évidence, pensent que c’est légitime.