Alexandre Malafaye affirme que l’homéopathie protège de la grippe.
Vrai-Faux : La charge de médecins contre les "fake-médecines".
Une tribune publiée hier dans le figaro par 124 professionnels de santé fait beaucoup réagir. Ils y dénoncent la complaisance du corps médical, et le remboursement par l’assurance maladie de médecines alternatives qu’on sait inefficaces. Parmi elles, l’homéopathie, que les français plébiscitent forts de cet argument entendu sur toutes les antennes : "ça marche sur ma cousine".
"J’ai pris un traitement antigrippal homéopathique, c’est la première fois que je traverse l’hiver sans grippe".
L’homéopathie protège de la grippe. Vrai ou faux ?
C’est faux. Des centaines d'études ont été conduites, et les autorités de recherche en Australie, en Europe, en Grande-Bretagne ont tranché : il n'existe aucune maladie sur lesquelles on ait observé un effet supérieur de l’homéopathie par rapport à l’effet placebo. Et ce n'est pas surprenant, parce que l’homéopathie ne comporte pas de principe actif qu'on puisse mesurer. Pour le comprendre, il faut appréhender le principe de cette alternative, inventée par un allemand au 18ème siècle : il est partit de l’idée qu’une substance toxique pouvait, à doses infimes, soulager un malade. Mais pour qu’elle ne le tue pas, il fallait beaucoup la diluer. Il a établi une méthode pour cela, la centésimale Hahnemannienne (le CH indiqué sur les produits homéopathiques.) Dans le cas du traitement contre la grippe, une dose d’influenza est d’abord diluée dans 99 doses d’eau. On obtient 1 CH. Puis une dose de cette dilution est à son tour diluée dans 99 doses d’eau, et ainsi de suite. A la fin du processus, dans des granules 9 CH, il reste 1 milliardième de milliardième du produit de départ. Autant dire, c’est prouvé : rien du tout. (La dilution de l’oscillococcinum, autre produit phare antigrippal, est de 200 CH.)
Pour contrer cet argument, les homéopathes ont inventé, dans les années 80, un autre concept : l'eau garderait en mémoire la présence passée de la molécule active. On sort alors du domaine de la science pour entrer dans la magie.
Mais comment expliquer que ça marche quand même? Car que les gens se sentent mieux, ils le disent.
C’est le miracle de l’effet placébo, qui est une réalité en médecine : des symptômes s’atténuent, voire disparaissent quand on CROIT avoir été soigné. Le phénomène est documenté depuis le 13ème siècle, et c’est pour cela que les médecins utilisent l’homéopathie : si cela aide leur patient à se sentir mieux, pourquoi pas ? Le problème, c’est quand des dérives apparaissent. Un exemple : On a administré, pour une étude, un vrai médicament à des asthmatiques sévères, et puis un placébo à un autre groupe. Les deux se sont sentis mieux au cours du traitement. Mais quand on a mesuré, après coup, l’état de constriction des bronches : celles des patients placebo n’avaient pas bougé. Par la suite ils ont eu davantage de crises, de visites chez le médecins… Un faux produit peut vous soulager grâce à l’effet placebo, il ne vous guérit pas.
C'est ce que déplorent les signataires de cette tribune. L'homéopathie est traitée comme un médicament, que l'assurance maladie rembourse à 30%, entretenant l'illusion d'une guérison. Cela peut être dangereux quand les patients se détournent de la médecine conventionnelle, en refusant les vaccins par exemple, et un enfant est mort l’an dernier, en Italie, d’une otite soignée avec des granules.
Que demandent les médecins qui signent cette tribune ?
Qu’on cesse d’accoler à l’homéopathie le terme "médecine", impropre selon eux, et surtout que l’assurance maladie cesse de rembourser ces traitements. Comme le recommandent d’ailleurs les autorités européennes. Mais la France a du mal à suivre, car le géant mondial de ce marché est français : c’est le laboratoire Boiron. 600 millions d’euros de chiffres d’affaire. Il se bat, bien sûr, pour que ses produits restent remboursés à 30%.
L'un de ses arguments est que l’homéopathie permet d’éviter des traitements plus lourds et coûteux, mais c’est loin d’être sûr : médecine "douce" ou non, les Français restent les premiers consommateurs de médicaments en Europe : nous avalons près de 1.400 unités par an et par habitant. Près de deux fois plus qu’aux Pays-Bas. On garde cette idée (et c’est culturel), qu’il faut avaler une gélule pour se sentir mieux (même lorsqu’il suffirait d’attendre que le bobo passe). Tout le contraire, finalement, des médecines préventives, ou vraiment naturelles.