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Chaque dimanche, Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du "Journal du dimanche", livre son édito sur Europe 1.

Bonjour Hervé Gattegno. A une semaine des élections européennes, les sondages donnent l’avantage au Rassemblement national, devant la liste de la République en marche. Est-ce que pour vous, il faut considérer le parti de Marine Le Pen comme le favori de cette élection ?

Sur le papier, c’est ce qui se dessiner – même si l’écart est faible avec la liste de Nathalie Loiseau. Au-delà des chiffres, il y a des éléments objectifs qui vont dans ce sens : l’extrême-droite monte dans toute l’Europe, le mode de scrutin lui est très favorable, puisqu’on vote à la proportionnelle ; alors qu’au scrutin majoritaire, le RN a beaucoup de mal à réunir 50% des voix. Et puis en 2014, c’était déjà le parti de Marine Le Pen qui était arrivé en tête, avec près de 25% des voix, ce qui lui a donné 24 députés européens (dont 8 l’ont quitté depuis, d’ailleurs). On peut ajouter aussi que Nathalie Loiseau, qui mène la liste de LREM, ne fait pas une bonne campagne – ce qui oblige Emmanuel Macron à s’impliquer dans la campagne. Avec tout ça, il faut bien dire que si le RN l’emporte, ce ne sera pas une énorme surprise. Ce sera juste une très mauvaise nouvelle.

Vous l’avez dit, les partis d’extrême-droite ont le vent en poupe dans toute l’Europe. Est-ce que ça peut permettre à Marine Le Pen et à ses alliés de peser sur le fonctionnement du Parlement européen ?

En réalité, non. Et c’est le paradoxe très français de cette élection européenne. Parce que les élus des deux partis qui vont arriver en tête chez nous, le RN et la REM, vont se retrouver à Strasbourg dans des groupes parlementaires qui ne seront pas les plus influents. Marine Le Pen va former un groupe avec Matteo Salvini et les principaux leaders d’extrême-droite en Europe, y compris parmi les plus durs – dont certains étaient avec elle hier à Milan – mais ce ne sera que le 4ème groupe du Parlement européen. Et les macronistes, eux, devraient peser à peine plus lourd en siégeant avec les libéraux. Du coup, c’est la droite et les sociaux-démocrates qui resteront les plus influents. Et puis il faut dire aussi qu’à l’extrême-droite, les alliés de Marine Le Pen peuvent être encombrants : Salvini, parce que c’est déjà un rival, les autres parce qu’ils peuvent devenir des boulets – on vient de le voir en Autriche.

Vous faites allusion à la chute de la coalition en pouvoir à Vienne à cause d’une vidéo qui montre le leader du FPÖ, le parti d’extrême-droite autrichien, accepter des financements russes. D’après vous, le scandale pourrait éclabousser Marine Le Pen ?

Elle n’est évidemment pas mise en cause personnellement. Mais je vous laisse juste imaginer ce qui se passerait si c’était le dirigeant d’un parti allié à Emmanuel Macron qui était compromis de cette façon. Marine Le Pen demanderait sa démission sur le champ – c’est d’ailleurs ce qu’elle fait tous les jours, à peu près sur tous les sujets. Je souligne quand-même qu’on entend dans cette vidéo le chef du FPÖ promettre de donner à des oligarques russes des marchés publics au détriment d’entreprises autrichiennes – donc il est clairement en train de brader les intérêts de son pays, ce qui montre la sincérité de ses convictions nationalistes. Et je rappelle que Marine Le Pen est allé plusieurs fois valser avec ce dirigeant quasi fasciste pour le congrès annuel de l’extrême-droite européenne. Hier, Marine Le Pen a refusé de condamner cet allié, même de le désapprouver. Autrefois, il y avait un slogan du FN qui disait : "Mains propres, tête haute." Là, c’est plutôt profil bas.