Réforme des retraites : "Le droit de grève est sacré dans notre pays, mais en ces circonstances on aimerait que l'Etat pose des limites"

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Ce samedi, Catherine Nay revient sur la mesure de l'âge pivot, mesure annoncée dans le cadre du projet de réforme des retraites. Elle estime que le souci d'égalité porté par ce dernier est "illusoire".

L'instauration de l'âge pivot à 64 ans est devenue le principal point de crispation entre Edouard Philippe et les syndicats réformistes qui se moquent du déficit. Qu'il faille travailler plus longtemps, c'est déjà la règle dans presque tous les pays européens. C'est inévitable, crucial, mathématique même, pour remplir les caisses. Au lendemain de la guerre, il y avait quatre actifs pour un retraité, lequel partait à 65 ans pour en bénéficier de 5 à 7 ans en moyenne. Aujourd'hui, il y a 1,8 actif pour un retraité, qui peut en profiter vingt années en moyenne.

En 2040, il restera un actif pour un retraité qui en bénéficiera durant 25 ans, grâce à l'allongement de la durée de la vie, d'un trimestre par an depuis 1981. Date à laquelle François Mitterrand a accordé la retraite à 60 ans, au lieu de 65. Les économistes s'accordent à dire que c'était une réforme à contre-cycle. On vit plus longtemps, ce qui est bien, mais pas toujours dans de bonnes conditions. On oublie trop le coût de la dépendance, quand le montant de la retraite ne suffit pas à financer la prise en charge et que la famille ne peut pas toujours aider. C'est le problème majeur des sociétés de demain.

Les Français ont la passion de l'égalité, mais quand on y regarde de près, c'est toujours à condition d'avoir un peu plus que le voisin. Les 8.000 conducteurs grévistes de la CGT et de Sud, qui paralysent le pays, ne défendent pas l'égalité, mais leurs privilèges. Ils ont ce pouvoir exorbitant de bloquer l'économie du pays. L'hôtellerie en souffre. Beaucoup de PME sont au bord du dépôt de bilan et ce au profit du géant américain Amazon, qui détruit deux fois plus d'emplois qu'il n'en crée.

Pour tous, c'est une nouvelle épreuve après près d'un an de blocages par les gilets jaunes les week-ends. Malgré cela, ces acteurs d'une grève dure, qui réclament le retrait pur et simple de la réforme du gouvernement pour leur seul profit, sont soutenus par 40% des Français, leurs victimes potentielles. Le droit de grève est sacré dans notre République, mais en ces circonstances, on aimerait que l'Etat y pose des limites.

La réforme Macron, qui se dit "révolutionnaire", puise sa motivation dans un souci d'égalité louable, mais illusoire. Cette réforme ne sera pas appliquée aux policiers. Il y aura des mesures spécifiques pour les enseignants et les indépendants. Il y aura aussi des prises en compte des carrières longues, de la pénibilité, du nombre d'enfants. C'est donc déjà une nouvelle usine à gaz, parce que le tissu social se nourrit de diversités irréductibles. L'égalité ne peut être la mesure unique de toute politique et de toute morale. On sait déjà qu'avec cette réforme systémique, il y aura des gagnants : tous ceux qui avaient une toute petite retraite, auxquels on garantit 1.000 euros, les agriculteurs, les femmes seules... C'est tant mieux. Mais on subodore qu'il y aura aussi des perdants, d'où une anxiété diffuse, alors que tous les arbitrages ne sont pas faits.

Chaque individu est un cas particulier. Et l'on sait que ça va coûter cher, alors que la part des dépenses publiques des retraites dans le PIB de la France est de 14%, soit le double de la moyenne des pays de l'OCDE. On retombe donc sur le problème crucial de l'âge pivot ou ou de la mesure d'âge. Il va falloir travailler plus longtemps. Le courage politique, c'est de le dire.