5:25
  • Copié

Marc Messier brosse ce dimanche le portrait de la papesse de la télé outre-Atlantique et l'une des femmes les plus influentes du monde, Oprah Winfrey.

Une poupée sculptée dans un épi de Maïs. Une robe taillée dans un sac de toile de jute.  La misère et les moqueries des autres gosses à l’école.  Des grands, un peu plus tard, qui lui bousilleront l’hymen et l’innocence.  Ses larmes qui s’écouleront dans le Mississipi. C’est à peu près tout ce dont elle se souvient de son enfance sordide dans une ferme pouilleuse des années 50.  Dieu pour s’en sortir, la télé pour s’accomplir. Oprah Gail Winfrey ou l’histoire miraculeuse d’une petite fille noire devenue la Psy et la Confidente de l’Amérique, une star milliardaire et l’une des femmes les plus influentes du Monde.

Oprah, comme l’appellent naturellement les américains, ou plutôt Orpa, son véritable prénom, celui d’une veuve de l’Ancien Testament. Orpa, que personne n’arrivait à prononcer dans sa famille.  D’où l’inversion du P et de l’R.  Aucun jeu de mots douteux en anglais : Oprah pour tout le monde et la naissance, il y a une trentaine d’années, d’une véritable légende vivante américaine.

Le parcours édifiant d’une fille de bonne, élevée à la campagne et à la dure par sa grand-mère, Hattie Mae, une mémé un peu fouettarde mais très bienveillante qui lui apprendra à lire et à réciter la Bible en public. La petite prédicatrice. Son Surnom, à 6 ans, dans la petite chapelle Baptiste de Kosciusko,  un bled du Mississipi profond, dans l’Amérique d’Eisenhower, un pays de non-droits civiques ou les noirs, à l’époque,  avaient juste de servir les blancs, de jouer de la musique et de rester entre eux.

Oprah n’a pas encore 10 ans à la mort de Kennedy. Une jolie petite fille, qui sera violée par plusieurs salopards. Un cousin, un oncle, un ami de la famille. Du sang, des larmes et une grossesse à 14 ans. Un petit garçon, qui mourra quelques semaines après sa naissance. Oprah n’aura plus jamais d’enfants de sa vie. Si j'en avais eu, déclarait-elle, il y a quelques années, ils m'auraient détesté, et auraient sans doute fini dans une émission comme la mienne pour parler de moi. De l’humour, la larme facile. Cette ancienne Miss Black Tennessee, qui lutte depuis toujours contre ses kilos en trop, révolutionnera le talk-show dans les années 80 en transformant ses plateaux en divans, en inventant la thérapie cathodique, la confession publique. L’intime en plein écran, le grand déballage à la face du monde. Le Financial Time inventera le mot "Oprah-fication".

C’est dans son "Show" que Michael Jackson confiera les malheurs de son enfance, sa vie de singe savant à la Motown,  son père qui le terrorisait, sa maladie, le vitiligo qui lui dépigmentait la peau. C’est là aussi que Tom Cruise révèlera son engagement dans la Scientologie, là encore que Madonna expliquera son besoin d’adopter des enfants tous les 4 matins.

Oprah, la grande Prêtresse de la Télé Feel good, la 1ère à donner la parole aux pestiférés du sida, au début de l’épidémie,  la 1ère à inviter des homos, des prostituées, des femmes battues. Les tabous à la moulinette. Le viol, la pédophilie, le sexisme, le racisme, la guerre, les armes à feu.  L’Oprah de tous les combats, de toutes les luttes. Des shows obscènes, racoleurs, putassiers selon certains. Oprah s’en fiche. Pendant 26 ans. Son émission aura été la plus regardée des états unis. 50 millions de téléspectateurs. 150 millions de fidèles dans le reste du monde.  Un record absolu pour un show qu’elle a bouclé en 2011, en invitant en Australie, tous les membres du public, présents pour sa dernière, près de 500 personnes. Un voyage grand luxe, pendant 10 jours. Une bagatelle pour Oprah dont la fortune s'élève à près de 3 milliards de dollars. Des revenus fabuleux provenant de la télé, du cinéma, de la bourse, de ses chaines de restaurants, de cosmétiques, la petite loqueteuse du Mississipi devenue l'une des femmes les plus riches d'Amérique.

Une milliardaire charitable qui a secouru à coups de millions les sinistrés de l'ouragan Katrina et du séisme d'Haïti. Une philantrophe qui n'a pas oublié d'où elle venait, comme on dit. Son bien le plus précieux est une fondation qu'elle a créé il y a 10 ans en Afrique du sud. Une académie qui accueille des jeunes filles sorties du caniveau, des gamines lobotomisées par la misère, à qui Oprah, donne une chambre, une éducation, finance les études. Des jeunes filles à qui elle promet, à chaque fois qu'elle va les voir, ce que lui promettait sa grand-mère, lorsqu'elle était petite : Le fabuleux destin d’Oprah. Le rêve à l'Américaine. A condition d'y croire.