"L'emploi, l'emploi, l'emploi". Au soir de la déroute du parti socialiste lors des élections départementales, le Premier ministre a martelé la priorité du gouvernement. Un chantier qui sera rouvert dès vendredi lors d'une conférence axée sur le bilan des réformes menées en 2013. Un rendez-vous dont le patronat compte profiter pour demander plus de flexibilité, ce qu'il a déjà commencé à faire dans les médias dès mardi. Mais pour la Confédération Française des Travailleurs (CFTC), les organisations patronales se trompent de débat : le vrai problème réside dans la production française et non dans le droit du travail, déjà assoupli à plusieurs reprises.
Les accords de maintien de l'emploi, "ça ne fonctionne pas". Instauré en 2013, ce dispositif permet à une entreprise en difficulté de changer temporairement les règles du jeu : un salaire réduit ou un temps de travail rallongé en échange d’un maintien des emplois. Un outil que le Medef aimerait généraliser en rallongeant sa durée maximale de deux à trois ans, et en l'autorisant dans les entreprises qui ne sont pas en difficulté. Sans oublier la demande de faciliter les licenciements en cas de baisse d'activité.
"Les accords de maintien de l'emploi, c'était de l'idéologie patronale qui nous a demandé de faire quelque chose qu'on a mis en place et qui ne fonctionne pas. A ma connaissance, il y en a eu 5 ou 7. Pourquoi ça ne fonctionne pas ? Parce qu'il n'y a pas de besoins, parce que les outils pour répondre existent : le chômage partiel, les intérimaires, les CDD. Si les chefs d'entreprise ne savent pas que ça existe ni comment l'utiliser...", a réagi Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la CFTC, mardi matin sur Europe 1.
Et ce dernier d’ajouter : "J'ai entendu Pierre Gattaz sur votre antenne nous dire 'je veux faciliter le licenciement en CDI parce qu'il faut cesser ce recours systématique des licenciés aux prudhommes'. Alors je suis allé voir les chiffres : en gros, vous avez aujourd'hui en France 1 million de licenciements par an. Et 174.000 recours prudhommaux tout compris, licenciements et tout le reste. Si c'était un recours systématique, il y aurait un million de dossiers aux prudhommes tous les jours. Arrêtons l'idéologie, regardons la réalité".
"Le vrai problème" : le Made in France ne séduit pas. "La réalité, c'est regarder le problème de la France", a poursuivi Joseph Thouvenel : "nous produisons ce que les gens ne veulent pas acheter parce que nous ne produisons pas d'ordinateurs ni de tablettes. Ça, c'est le vrai problème et cela veut dire qu'il faut investir".
Et ce dernier de citer l’exemple de Renault : le constructeur automobile "fabriquait des tracteurs bas de gamme, personne ne les achetait. Les Allemands ont racheté Renault, ils ont investi 500 millions : ils font du haut de gamme et exportent les tracteurs français dans le monde entier. Et que nous dit le chef d’entreprise allemand quand on lui pose la question des salaires français ? Vu le degré de formation des Français et leur façon de travailler, ce n'est pas un coût. Ce n'est tellement pas un coût qu'il a mis en place le 13e mois en contrepartie d'un peu de flexibilité : c'est-à-dire que quand il y a un peu plus de production, les gens travaillent un peu plus longtemps, et quand il y a moins de production, ils travaillent moins longtemps".
"Cela veut dire que les outils existent : pourquoi un chef d'entreprise allemand sur une entreprise qui fabrique des tracteurs en France peut le faire et le fait; et pourquoi j'entends pleurer le Medef tous les matins en disant 'je ne peux pas le faire' ? Parce qu'ils ne posent pas la réalité et ne savent pas bâtir des accords avec leurs partenaires, qui sont les salariés de l'entreprise", a martelé le numéro 2 de la CFTC. Son syndicat reste néanmoins prêt à discuter vendredi d'éventuels aménagements, mais pas à n'importe quelles conditions : "si dans la réalité il faut faire évoluer des choses, des textes, à la CFTC on le fera. Mais pas dans l'idéologie".
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