Avec les révélations successives des agressions sexuelles commises par le prêtre lyonnais Bernard Peyrat se dessine une histoire dans l’histoire. Celle d’une omerta longue de plus de vingt ans au sein de l’Eglise. Car si le prêtre a reconnu lors de sa garde à vue les attouchements - qui lui valent aujourd’hui d’être mis en examen pour "agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans" - le suspect jette l’opprobre sur sa hiérarchie qui, selon lui, était au courant de ses agissements depuis le début.
"J’ai senti sa main glisser le long de ma cuisse". Les faits incriminés courent de 1970 à 1990, selon les plaignants, aujourd’hui trentenaires et quadragénaires. A cette période, Bernard Peyrat officie auprès du groupe de scouts Saint Luc de Sainte-Foy-lès-Lyon, une banlieue résidentielle de Lyon. Là-bas, l’homme, décrit par tous comme charismatique, est suspecté d’avoir commis des attouchements sexuels répétés sur plusieurs jeunes garçons, âgés de 9 à 11 ans.
"Il m’a demandé de rester près de lui. Il m’a attrapé la jambe droite et puis j’ai senti sa main glisser le long de ma cuisse pour arriver jusque sous mon short. Il m’embrassait dans le cou, en me susurrant des mots de réconfort ", racontait le 21 janvier, François Devaux, abusé par le prêtre alors qu’il avait 10 ans.
"Les décisions ecclésiales étaient de protéger l’institution". Comme lui, d’autres anciennes victimes ont porté plainte en découvrant estomaqué que le pédophile présumé officiait toujours, mais dans d’autres paroisses. A l’époque des faits, les parents des jeunes victimes avaient alerté le diocèse, menaçant de tout raconter à la justice. Le prêtre avait été écarté. Mais pas viré. L’Eglise l’avait même autorisé à revenir à la tête de paroisses en 1991, puis à redonner des cours de catéchismes à des enfants.
Selon Régine Maire du diocèse de Lyon, fermer les yeux sur de tels agissements était pratique courante à l’époque des faits.
"Il m’a demandé pardon". La transparence, c’est aussi le crédo du prêtre lyonnais, y compris devant ses quatre victimes auxquelles il a été confrontées. "Il se souvient très précisément de ce qu’il s’est passé. Il m’a demandé pardon. Je lui ai expliqué que ça m’était compliqué de lui accorder ce pardon. Il m’a alors clairement dit que tous ses supérieurs étaient au courant. Quand je lui ai demandé s’il parlait des cardinaux en évoquant ’tous ses supérieurs’, il m’a répondu ‘oui’", a rapporté François Devaux, victime présumée qui ne décolère pas face à l’inertie de l’Eglise. "Mon client a reconnu les faits qui lui ont été reprochés devant le juge d'instruction" à l'issue de sa garde à vue, entamée lundi, a confirmé Me Frédéric Doyez.
Mais le prêtre est allé plus loin dans ses confessions. Le suspect, aujourd’hui âgé de 70 ans, a avoué avoir contraint deux jeunes garçons à lui faire des fellations. Des aveux qui lui valent d’être "placé sous le statut de témoin assisté" concernant des "viols" présumés sur trois autres mineurs. "Ces victimes ne sont pas très précisément identifiées", a précisé une source judiciaire.
D’autres victimes appelées à se manifester. Pour inciter d’autres victimes potentielles à se manifester, plusieurs hommes se sont rassemblés au sein d'une association, "La Parole Libérée". Pour l’heure, sur la dizaine de plaintes déposées contre le prêtre, seules quatre, les plus récentes, ont été retenues, en raison du délai de prescription de 20 ans dans le cas précis. Le prêtre, lui, n’a pas été écroué mais laissé libre sous contrôle judiciaire. L’Eglise a fait savoir, par la voix du cardinal Barbarin, son intention d’engager un procès canonique à Rome.