Interview. “Censure”, “liberticide”, “atteinte à la liberté d’expression” : de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le projet de loi anti-terroriste, présenté par Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, pour répondre à la menace du “creuset syrien”. Critiqué pour son manque d’efficacité sur le terrain, le projet est également conspué pour son volet numérique. En cause, l'article 6 du projet, qui autorise l'administration à ordonner aux fournisseurs d'accès à Internet de bloquer l'accès aux sites faisant l’apologie du terrorisme.
Quelques heures après la présentation du projet, la Quadrature du net, association de défense des droits et libertés sur Internet, a dénoncé une “censure administrative du Net”. Son co-fondateur, Jérémie Zimmerman, a expliqué a Europe1 pourquoi il s’opposait au projet de loi, qu’il juge “aussi liberticide qu’inefficace”.
Terrorisme : le gouvernement Valls veut la censure administrative du Net ! https://t.co/3u2XP8FejV— La Quadrature du Net (@laquadrature) July 9, 2014
Que reprochez-vous au texte ?
La censure n’est jamais justifiée, quel que soit le problème considéré. Penser que les terroristes arrêteront leurs activités parce qu’ils n’arrivent pas à accéder à leur site préféré, c’est se fourrer le doigt dans l’œil ! Ces projets de censure reviennent fréquemment dans la bouche des politique, souvent sous le coup de l’émotion. Après l’affaire Merah, Nicolas Sarkozy avait déjà évoqué cette idée de sanctionner la consultation de sites terroristes. Ce qui ne sert à rien : il est relativement facile de passer outre cet arsenal législatif. .
Pourquoi jugez-vous ce texte inefficace ?
Il faut savoir qu’en un clic, un internaute peut utiliser TOR [outil qui permet d’anonymiser sa navigation sur Internet] pour contourner cette censure gouvernementale. Cette loi revient à bloquer un site internet sans s’inquiéter de gens qui en produisent le contenu. C’est mettre la poussière sous le tapis, ça ne règle rien !
Quels types de sites internet pourraient être visés ?
Certains sites qui n’ont rien à voir avec le terrorisme pourraient très bien tomber sous le coup de cette loi. Il existe de nombreux exemples de ce genre de dérive. En Grande-Bretagne, le site Wikipedia avait disparu de l’internet britannique parce qu’on y voyait la pochette controversée d’un album des Scorpions, Virgin Killer, sur laquelle une fillette apparaît nue. Cette page avait été filtrée au nom de la protection de l’enfance.
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