Alors que s'ouvre lundi à Paris une rencontre internationale avec 170 magistrats anti-terroristes de 34 pays différents, François Molins, le procureur de la République de Paris, alerte sur le "nombre exponentiel d'enquêtes" ouvertes ces derniers mois sur le sujet. S'il estime que l'arsenal législatif est désormais satisfaisant pour répondre à la menace terroriste, le procureur de Paris insiste toutefois sur le besoin de moyens pour mettre en place les mesures annoncées dans le cadre du plan terroriste du gouvernement.
"Sur le plan normatif, nous avons tous les moyens". D'abord sur le plan du droit, François Molins se veut rassurant. Pour le procureur de la République, les lois antiterroristes votées ces dernières années - fin 2012 et fin 2014 - permettent à la France de répondre à la menace terroriste. "La dernière loi a apporté dans le dispositif français 'l'entreprise individuelle terroriste'. Je considère donc que sur le plan normatif, nous avons tous les moyens dont nous avons besoin", estime le procureur au micro d'Europe 1.
"De 26 enquêtes en novembre 2013 à 125 aujourd'hui". Reste la question des moyens, humains et financiers, pour mettre en place ces lois antiterroristes, dans un contexte où le nombre de dossiers se multiplie. "On est confronté à une augmentation exponentielle du nombre d'enquêtes. On était à 26 enquêtes en novembre 2013, on est à 125 dossiers d'enquêtes et d'information aujourd'hui. Et là, il faut des moyens. On devrait avoir des moyens supplémentaires dans le cadre du plan terroriste annoncé par le gouvernement", informe François Molins.
Sur les 125 procédures judiciaires concernant des dossiers terroristes, 58 concernent des enquêtes préliminaires suivies par le parquet et 67 des informations judiciaires confiées à des juges d'instruction, a indiqué lundi la chancellerie. Quelque 166 personnes ont été mises en examen dans le cadre de ces procédures et 113 d'entre elles placées en détention provisoire, a précisé le ministère. Selon une source proche du dossier, deux nouvelles enquêtes judiciaires antiterroristes sont ouvertes en moyenne chaque semaine.
La Belgique, l'Espagne, la Turquie, un modèle de coopération. Et ces enquêtes pour des faits de terrorisme visent parfois des individus ayant séjourné à l'étranger. D'où la nécessité de renforcer la coopération internationale entre les services de renseignement. Sur ce point, le procureur de la République constate que, de manière générale, "les pays jouent le jeu, mais certains pays ont plus de difficulté que d'autres". Et d'ajouter : "il faut comprendre qu'il y a des pays avec qui l'on a une très forte tradition et un socle fort de coopération, comme la Belgique, l'Espagne et les Etats-Unis."
"Il y a du mieux" avec la Turquie. A l'inverse, la Turquie a longtemps mis de la mauvaise volonté à coopérer avec les services français, avant que la situation s'améliore ces derniers mois. "La coopération est plus complexe avec la Turquie. Car elle peut être perturbée par certains dossiers sur lesquels l'Irak et la Syrie n'ont pas le même angle de vue, notamment concernant la politique à mener par rapport aux mandats d'arrêt et aux demandes d'extradition. Mais, ce que je peux constater aujourd'hui, par rapport à ce qu'il passait il y a quelques mois, c'est que la Turquie remet à la France plus d'individus dans le cadre d'expulsions, donc des gens qui reviennent de Syrie et que la Turquie renvoie en France par dizaine ces derniers mois. Donc effectivement, il y a un mieux", se réjouit François Molins.
"La France joue le jeu". Pour ce dernier, le travail de coopération entre les "communautés du renseignement" doit encore être renforcé. "Ça renvoie à ce que l'on appelle 'la communauté du renseignement' et à la nécessité d'un travail en amont des enquêtes, qui doit exister entre les services du renseignement, avec une communication des informations problématiques qu'ils ont", détaille François Molins. Et sur ce point "la France joue le jeu", assure-t-il.
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