L'info. C'est une journée qui fera date dans l'histoire de la police judiciaire. Bernard Petit, patron de la police judiciaire parisienne, a été mis en examen, jeudi soir. Soupçonné d'avoir violé le secret d'une instruction, cet homme de 59 ans avait été présenté aux juges d'instruction dans la matinée. Il s'agit d'une véritable première pour un patron du 36 quai des Orfèvres. Dans le cadre du contrôle judiciaire qui lui est imposé, il lui est interdit "d'exercer des fonctions dans un service de police judiciaire", a ajouté le parquet. Après cette mise en examen, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé immédiatement "la suspension immédiate" de cette grande figure de la police. Il s'agit d'une véritable première pour un patron du 36 quai des Orfèvres. Le ministère de l'Intérieur a proposé Christian Sainte, de la police judiciaire de Marseille, pour le remplacer.
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Placé sous contrôle judiciaire. Après avoir été interpellé dans ses murs, île de la Cité à Paris, après 24 heures de garde à vue à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et quatre heures de face à face avec les juges d'instruction au pôle financier, Bernard Petit a été mis en examen. Il est poursuivi pour "violation du secret de l'instruction et révélation d'informations sur une instruction dans le but d'entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité", a précisé le parquet de Paris dans un communiqué. Son contrôle judiciaire lui interdit "d'entrer en contact avec l'ensemble des protagonistes du dossier", selon le communiqué.
"Une mesure administrative pour la bonne marche du service". L'avocate de Bernard Petit, Me Anne-Laure Compoint, assure que la suspension de son client n'est pas lié directement à sa mise en examen mais se justifie pour le bon déroulé de l'enquête. "C’est une procédure judiciaire qui ne rend pas possible le maintien de Bernard Petit à ce poste de directeur de la PJ, puisque le service concerné relevait de sa compétence. Ici, la particularité est que Bernard Petit était le chef du service de police initialement concerné dans l’enquête. Il est là le hiatus. Il n’est pas dans la mise en examen", insiste Me Anne-Laure Compoint au micro d'Europe 1.
Selon elle, il s'agit donc d'une mesure administrative qui n'atteste en rien de la culpabilité de son client. "Le ministre ne sait rien de ce dossier. Il ne peut pas décider aujourd’hui si Bernard Petit est coupable ou non. Le ministre prend donc seulement une mesure administrative pour la bonne marche du service et de la direction de la police judiciaire parisienne. Le fait que le successeur de Bernard Petit soit nommé, c’est naturellement normal", conclut-elle.
D'autres mises en examen. Son chef de cabinet, Richard Atlan a lui aussi été mis en examen pour les même chefs d'accusations que Bernard Petit. Il est également soumis à un contrôle judiciaire, a précisé le parquet.
Philippe Lemaître, un fonctionnaire détaché à l'Association nationale de l'action sociale pour les personnels de police, a lui aussi été mis en examen jeudi peu avant minuit. Philippe Lemaître est inquiété pour "trafic d'influence, recel de violation du secret de l'instruction et recel de révélation d'informations sur une instruction en cours dans le but d'entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité".
Interpellé mercredi comme Bernard Petit, le président de l'Anas, l'ancien syndicaliste policier Jo Masanet, était toujours en garde à vue dans la nuit de jeudi à vendredi.
Violation du secret de l'enquête. Ces hommes sont soupçonnés d'avoir violé le secret de l'instruction, c'est-à-dire d'avoir divulgué des informations à une personne déjà visée par une enquête, ce qui est évidemment interdit. Les fuites concerneraient une affaire d'escroquerie et de trafic d'influence impliquant notamment Christophe Rocancourt, placé en garde à vue en octobre dernier. Dans ce dossier, "l'escroc des stars" est soupçonné d'avoir tenté, contre paiement, de faire régulariser des sans-papiers.
Soupçonnés d'avoir informé Prouteau. Les suspects auraient rencardé Christian Prouteau, lui aussi concerné par ce dossier. Avant sa garde à vue par les juges du pôle financier chargés du dossier, le fondateur et ancien patron du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale aurait ainsi obtenu des informations par le biais d'un intermédiaire, Philippe Lemaître, le fonctionnaire détaché à l'Anas.
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Un gardé à vue trop bien renseigné ? Lors de cette garde à vue en octobre, Christian Prouteau était apparu très au by Browser Shop" xhtml:id="_GPLITA_0" >courant du dossier, ce qui a fait comprendre aux enquêteurs qu'il avait pu être informé en amont. Les investigations sur le téléphonie ont d'ailleurs by Browser Shop" xhtml:id="_GPLITA_1" >confirmé ces contacts entre l'ex-boss du GIGN et Philippe Lemaître, avant la garde à vue de Christian Prouteau.
Ses déclarations lors de sa garde à vue mardi et d'autres éléments ont amené les magistrats instructeurs à demander au parquet de Paris un réquisitoire supplétif pour "violation du secret de l'instruction" et "révélation d'informations sur une instruction à une personne susceptible d'être visée par cette by Browser Shop" xhtml:id="_GPLITA_2" >enquête". Un réquisitoire supplétif visant notamment Bernard Petit et Richard Atlan.
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La fin de 37 ans de carrière. Informer un suspect à l'avance est très grave et puni par le Code pénal. D'autant plus lorsque ce sont des policiers qui enfreignent le sacro-saint secret de l'enquête pour renseigner un suspect... visé par leurs propres services. La mise en examen de Bernard Petit marque la fin de sa carrière à la tête de la police judiciaire parisienne, où il avait été nommé par Manuel Valls, en décembre 2013, à la succession de Christian Flaesch, contraint de quitter sa fonction après avoir commis "une faute de déontologie" selon les propos du ministre de l'Intérieur de l'époque. Après sa mise en examen, Bernard Cazeneuve a immédiatement annoncé "la suspension immédiate" du patron de la PJ parisienne. Adieu donc au "36", mais aussi peut-être à la police, tout simplement. Soit 37 ans de carrière interrompus en 48 heures.
Le ministère de l'Intérieur a proposé Christian Sainte, 55 ans, directeur interrégional de la police judiciaire de Marseille, pour le remplacer. Cet homme qui a fait une partie de sa carrière dans l'antiterrorisme, en Corse notamment, est rompu aux grosses affaires. Désormais, il va découvrir la sensibilité des dossiers parisiens, une autre forme de pression.