Harcèlement dans la gendarmerie : "c'était habituel"

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CB avec Noémie Schulz et AFP , modifié à
Le procès de deux gendarmes poursuivis pour harcèlement sexuel aggravé contre une jeune collègue se tenait mardi à Paris. La présidente a parlé d'une affaire "extrêmement délicate".

Le procès d’un tabou s’est ouvert mardi après midi, devant le tribunal correctionnel de Paris, celui du harcèlement sexuel et moral chez les militaires. Et plus spécifiquement dans la gendarmerie. Deux gradés comparaissaient pour avoir fait subir un cauchemar à une subordonnée, une jeune femme de 26 ans, entre 2012 et 2013. Gestes obscènes, propositions salaces, plaisanteries graveleuses : la jeune femme d'origine réunionnaise a raconté à la barre l'enfer qu'elle vivait au quotidien dans la brigade de Joigny, dans l'Yonne.

"Fais-moi une pipe". Ça a commencé "dès que j'ai téléphoné pour me présenter", avec une allusion sexuelle sur ses origines réunionnaises, raconte Marie (prénom modifié) qui accable à la barre deux gradés de la brigade de Joigny, sur les bords de l'Yonne, où elle a travaillé d'octobre 2012 à novembre 2013.

"Ça te dit un plan à trois ?" dans une voiture de patrouille aux sièges tachés de sperme ; "Fais-moi une pipe" ; "Les Réunionnaises, elles sont chaudes, montre-moi ce que tu sais faire", autant de remarques auxquelles a été confrontée la jeune gendarme. Sans compter des "gémissements" sur son passage, ou un geste obscène mimé avec une matraque... "C'était normal, c'était habituel", lâche la jeune femme.

En uniforme, la jeune femme a répondu aux questions de la présidente du tribunal d'une voix le plus souvent forte et nette. Elle a toutefois dû s'asseoir un instant, en réprimant des pleurs.

Un des prévenus "obsédé par le sexe". Derrière elle, Julien G., adjudant, 38 ans, et Ludovic F., maréchal des logis chef, 37 ans, ont écouté, le visage impassible. Avant d'appeler la jeune femme à la barre, la présidente avait dressé le portrait du premier en "excellent militaire" et "meneur" d'une brigade désorganisée.

A l'inverse, Ludovic F. est jugé par sa hiérarchie "fainéant", peu intelligent et "obsédé par le sexe". "C'est à se demander comment il a pu rester gendarme si longtemps ?" a lancé la présidente. La jeune femme gendarme assure que ce dernier l'a aussi menacée de son arme de service.

"Est-ce que vous parlez des attributs sexuels masculins de la même manière ? Vous parlez du cul de votre colonel ?", s'agace la présidente. Ce dernier répond alors : "non, c'est déplacé", avant de reconnaître du bout des lèvres les faits de harcèlement.

Une affaire délicate à juger. Les deux gradés, suspendus, risquent jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende. Pendant l'enquête, ils avaient parlé de "plaisanteries" avec leur jeune collègue. La présidente a parlé d'une affaire "extrêmement délicate", reposant sur une cinquantaine de procès verbaux d'auditions, parfois contradictoires, et sur des "impressions" de la hiérarchie.

Cette dernière s'est révélée divisée face aux affirmations de la jeune femme, en novembre 2013. Certains supérieurs décrivent une sportive, adepte de boxe au "fort caractère", lui reprochant d'intriguer pour se faire muter auprès de son compagnon en région parisienne. D'autres décrivent une gendarme "au bout du rouleau", physiquement et psychologiquement marquée.

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