Cinq ans après le scandale, c'est aujourd'hui que la justice civile se penche pour la première fois sur la responsabilité des laboratoires Servier. Le TGI de Nanterre va examiner cet après-midi deux demandes d'indemnisation de deux patients, en réparation des séquelles qu'ils gardent suite la prise du Mediator, selon leurs avocats. Ces décisions pourraient faire jurisprudence, et sont donc très attendues par les milliers de victimes, qui espèrent être indemnisées depuis des années.
"Qu'ils reconnaissent leurs torts". En 2009, Michel, victime du Mediator, apprend qu'il peut demander réparation. Il écrit alors au laboratoire Servier pour obtenir une indemnisation. Dans leur réponse, ils se défaussent de toute responsabilité, assurant que les problèmes au cœur de Michel ne sont pas liés au Mediator. Le septuagénaire décide d'engager alors des poursuites. Aujourd'hui, il attend donc beaucoup de la décision de la justice civile.
"J’attends premièrement du tribunal qu’ils reconnaissent leurs torts et qu’ils admettent qu’ils ont fait des fautes depuis 30 ans. Ils étaient au courant. Dans certains pays, comme l’Italie et l’Espagne, ils ont arrêté le Mediator dès les années 1990-2000. En France, ça a continué jusqu’en 2009, jusqu’à ce qu’ils comprennent que le Mediator était une bombe pour le cœur", rappelle Michel, aujourd'hui âgé de 72 ans.
"J'entends comme une pendule dans le cœur". En février 2011, Michel s'est fait opérer du cœur, à cause des dégâts du Mediator. Il s'est fait implanter une valve cardiaque. Sans cesse essoufflé, fatigué et très déprimé, cet homme de 72 ans espère que la justice va enfin le reconnaître comme une victime du laboratoire Servier. "C'est un château en ruine. Quand je me couche le soir, j'entends comme une pendule dans le cœur", confie-t-il au micro d'Europe 1. "Cela fait : tac tac tac tac. La vanne mécanique, je l'entends pendant une heure. Et je pense toujours à l'opération que j'ai eu, je souffre toujours et je me dit que je suis en sursis", explique le septuagénaire.
"Le temps qui passe n'est pas favorable aux victimes". Et des patients en sursis qui attendent leur indemnisation il y en a beaucoup. L'avocat Joseph Oudin en compte 50 rien que pour son cabinet. Et certains de ses clients sont morts ces derniers mois. Il dénonce des délais beaucoup trop longs. "Le temps qui passe n'est pas favorable aux victimes et il est vraisemblable, si les laboratoires Servier font appel puis vont devant la Cour de cassation, qu'il faudra à peu près dix ans pour que mon client obtienne une indemnisation définitive. Ce n'est pas acceptable", regrette Maître Oudin
Servier doit des millions à la Sécu. Les avocats de Servier expliquent de leur côté n'être pour rien dans la durée de la procédure. "Nous exerçons normalement les droits de la défense", nous explique-t-on.
En attendant, le Figaro révèle jeudi qu'une quinzaine de caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ont assigné le laboratoire. Le problème ? L'ardoise de l'industriel, comprise entre 2 et 30 millions d'euros, auprès de la Sécurité sociale qui avance les frais de prise en charge des victimes. Servier n'a en effet jamais versé un centime à la Sécu depuis le début de l'affaire.
Le grand procès Mediator aura bien lieu
Après le scandale du Mediator, Jacques Servier et plusieurs sociétés de son groupe ont été mis en examen. La mort de l'industriel n'a pas mis un terme à ces procédures, puisque plusieurs sociétés de son groupe sont poursuivies en tant que personne morale. Le grand procès du Mediator, attendu par des milliers de personnes, va donc bien avoir lieu bien que l'on en connaisse pas encore la date.
Ce procès porte notamment sur des faits de tromperie, d'escroquerie et de trafic d'influence. Il est reproché aux personnes poursuivies d'avoir dissimulé les risques liés au Mediator. Il pourrait donc donner lieu à d'importantes indemnisations de victimes. Et l'enjeu pour le groupe Servier oscille entre un et deux milliards d'euros.
Un deuxième procès devrait intervenir plus tard. Il concerne les faits d'homicides et blessures involontaires, et l'éventuelle causalité entre la prise de Mediator et les pathologies développées par chacun des plaignants. Cette seconde enquête risque de prendre plusieurs années en raison du grand nombre de personnes ayant pris le médicament.