"Retraité de la police nationale". C'est en ces termes que s'est présenté l'ex-super flic Michel Neyret, à l'ouverture de son procès, lundi, devant le tribunal correctionnel de Paris. L'ancien n°2 de la PJ lyonnaise, soupçonné d'avoir rancardé ses "indics" en échange d'informations, d'avoir bénéficié de cadeaux ou voyages de leur part, et de les avoir rétribués en piquant dans les saisies de stups, comparaît notamment pour corruption jusqu'au 24 mai. Quatre ans et demi après l'interpellation qui a sonné la chute de cette référence du milieu, qu'est devenu Michel Neyret ?
"Ça a été difficile à supporter". La vie de celui que Christian Lothion, ex-directeur central de la PJ, a qualifié sur Europe 1 de "flic exceptionnel", bascule à l'aube du 29 septembre 2011, quand la "police des polices" vient le cueillir à son domicile. "J'ai été interpellé à 6 heures du matin, ça a été difficile à supporter", rapporte Michel Neyret, à la barre de la 11e chambre correctionnelle. Et pour cause, après trente ans passés dans la police, dont 21 ans à la BRI lyonnaise, ce fils de mineur lorrain rêvant depuis sa jeunesse d'être "flic ou pilote de chasse", incarnait alors une légende dans son milieu. Camarade de promotion de Bernard Squarcini à l'école des commissaires, ce "gros bosseur" craint des voyous s'était constitué un volumineux carnet d'adresses, de "tontons" comme de notables. Un passage de sa vie que Michel Neyret résume en trois mots : "mes meilleures années".
Son quotidien de "retraité". Avec sa mise en examen, début octobre 2011, Michel Neyret est passé du super flic au "voyou". Quatre ans plus tard et demi plus tard, la vie de l'ex-directeur adjoint de la PJ lyonnaise, révoqué en septembre 2012 par Manuel Valls, a totalement changé. A sa sortie de prison, l'homme a un temps été placé sous contrôle judiciaire, loin de son épouse Nicole et de sa fille. "Vous vous doutez dans quel état d'esprit je peux être au bout d'un an de sevrage. Ça a été la joie et le bonheur de retrouver tous mes proches. Maintenant, je suis en train de réapprendre ma vie, non plus en exil dans un département lointain, mais chez moi", déclarait-il en 2012, un mois après sa révocation de la police.
L'ex-grand flic "ayant eu une carrière exceptionnelle", d'après les mots de son ancien ami Christian Lothion, est désormais retourné au côté de son épouse, Nicole. Celle-ci gère l'hôtel de la Gabetiere, à Estrablin, dans la Vienne, en Isère. Grâce à l'exploitation de ce manoir du XVIe siècle, classé établissement hôtelier 3 étoiles, l'épouse Neyret a dit gagner par mois "3500-4000"euros, lundi au premier jour du procès. Toujours interdit dans le Rhône dans le cadre de son contrôle judiciaire allégé, ce grand amateur de soirées mondaines, qui se flattait d'être un "people", ronge son frein. Aujourd'hui, l'ex-super flic remplit donc ses journées de "retraité" avec des "balades dans les bois avec sa chienne, [des] matchs de foot, [des] gueuletons dans la région, [des] virées dans la Drôme", raconte L'Obs. Et joue au golf. "J'ai la santé et la liberté, et des arguments à faire valoir au procès", glissait-il quelques jours en amont de celui-ci, déterminé à "garder le moral".
La peur de retourner derrière les barreaux. Mais l'homme confiait aussi, légèrement anxieux : "Oui, j'ai forcément peur de retourner en prison". Il faut dire qu'il a déjà passé huit mois en détention provisoire à la Santé, dont il est sorti fin mai 2012. Écroué au sein du quartier VIP de la mythique prison parisienne, il occupait alors son temps entre le sport, la lecture ou les échecs, côtoyant notamment le comédien Sami Naceri. "Quelle que soit l'issue, j'ai surtout envie que ça se termine pour récupérer ma liberté de circuler et de vivre", souffle l'ex N°2 de la PJ lyonnaise. Avec cet espoir, quand "tout sera fini", de pouvoir faire enfin ce voyage en Thaïlande qu'il avait prévu avec sa fille, Charlotte, avant son arrestation.