Il prévoyait pas moins de "15 actes terroristes en France" à la veille et pendant l'Euro de football. D'après les déclarations du chef des services de sécurité ukrainiens (SBU), lundi, le SBU aurait donc "réussi à empêcher" ces attaques terroristes en arrêtant le 21 mai dernier, à sa frontière avec la Pologne, un Français de 25 ans.
Dans quelles conditions a-t-il été arrêté ? Cet homme originaire de Bar-le-Duc, dans la Meuse, a été interpellé par les garde-frontières en possession de "125 kilogrammes de TNT, 100 détonateurs" et un véritable arsenal de guerre : "cinq fusils d'assaut Kalachnikov, plus de 5.000 munitions, deux lance-roquettes antichar", a indiqué Vassil Grytsak. Le Français a été "piégé par les services secrets". Le SBU a d'ailleurs mis en ligne la vidéo de l'interpellation du jeune homme, sur lequel on le voit charger son utilitaire avant d'être arrêté.
En garde à vue, Grégoire M. aurait fait part de son opposition à "la politique de son gouvernement concernant l'arrivée massive d'étrangers en France, la diffusion de l'islam et la mondialisation", a précisé le chef des services de sécurité ukrainiens. Et il aurait aussi évoqué le projet de perpétrer plusieurs attentats contre des lieux de culte musulman et juif, et des bâtiments publics.
Comment réagit Paris ? Le SBU se montre très affirmatif sur les motivations du suspect. Toutefois, selon les informations d'Europe 1, les autorités françaises émettent, elles, des réserves sur le projet d'attentats. Certes, la menace d'attaques de la part de groupuscules d'ultra-droite est prise très au sérieux par les services français, comme l'avait indiqué le directeur de la DGSI, Patrick Calvar, le 10 mai dernier devant les députés. Mais au ministère de l'Intérieur, on reste pour l'instant extrêmement prudent sur les véritables motivations de ce jeune homme.
Une enquête a été ouverte, mais la section anti-terroriste du parquet de Paris n'est pas saisie. Les enquêteurs français ne disposent à ce stade d'aucun élément confirmant ou infirmant une éventuelle piste terroriste. Ce sont l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO) et le service régional de la police judiciaire (SRPJ) de Nancy qui sont chargés des investigations. La piste du trafic d'armes semble pour l'instant privilégiée par les policiers français, d'après les informations d'Europe 1. Une demande d'entraide judiciaire a été envoyée aux Ukrainiens pour "des compléments d'informations", selon une source policière.
Qui est-il ? Une perquisition a été menée au domicile du suspect, à Nant-le-Petit, un village de la Meuse de 80 habitants situé non loin de Bar-le-Duc. Rien de particulier n'a été retrouvé, si ce n'est un tee-shirt à l'effigie d'un groupe d'extrême-droite. Interrogé lundi, la maire de la commune, Dominique Pensalfini-Demorise, a dressé le portrait d'un "gamin très agréable avec ses voisins, intelligent et sympathique, prêt à rendre service." Inconnu des services de police et de renseignement français, Grégoire M. est employé comme inséminateur dans une coopérative agricole du Bas-Rhin. Des fonctions qui le conduisent régulièrement à se rendre en Ukraine.
Que faisait-il là-bas ? D'après le SBU, il serait arrivé en Ukraine en décembre 2015. Se faisant passer pour un bénévole, il aurait alors pris contact avec des unités militaires dans l'est du pays, où les forces ukrainiennes affrontent des séparatistes pro-russes. Promettant d'apporter de l'aide et de l'équipement aux soldats, Grégoire M. aurait "commencé à s'intéresser aux moyens d'acheter des armes, des explosifs et d'autres équipements". Son arrestation découle d'un travail de près de six mois des services ukrainiens, a fait valoir Vassil Grytsak, lundi. Toujours détenu par les autorités ukrainiennes, le suspect pourrait faire l'objet d'une demande d'extradition de la part des autorités françaises.
Le contexte géopolitique peut-il jouer dans cette affaire ? La spectaculaire vidéo de l'interpellation, fournie par les services ukrainiens, laisse à penser que les autorités locales voulaient donner un certain retentissement à cette affaire. Cette arrestation se déroule en effet dans un contexte politique particulier où l'Ukraine, forte de l'accord d'association signé récemment avec l'Europe, réclame la suppression des visas pour ses ressortissants qui désirent se rendre dans l'Union européenne. L'Ukraine a donc tout intérêt à montrer qu'elle est de bonne volonté, et à prouver qu'elle est en mesure de contrôler ses frontières alors que la guerre dans le Donbass entraîne la libre circulation d'armes, rappelle le correspondant d'Europe 1 sur place.
Plusieurs pays membres de l'UE ont exprimé leurs craintes de voir ces armes tomber aux mains de groupes mafieux ou terroristes, comme dans les années 1990 après les guerres en ex-Yougoslavie. Bien que la Commission européenne se soit prononcée en faveur d'un régime sans visas pour les Ukrainiens, cette crainte du trafic d'armes, autant que la question migratoire, explique que l'Allemagne et la France s'opposent jusqu'à présent à cette mesure.