Christine Lagarde sera bel et bien jugé dans le cadre de l’affaire Tapie. L'ancienne ministre de l'Economie a été renvoyée jeudi en procès en France pour négligence dans la gestion de l'arbitrage Tapie. Une perspective embarrassante pour la patronne du FMI à qui l'institution internationale a renouvelé sa confiance. Christine Lagarde a immédiatement annoncé un recours contre cette décision devant la Cour de cassation. Ce qui lui accorde un sursis, alors que son premier mandat à la tête du Fonds monétaire international se termine le 30 juin 2016 et qu'elle s'est dite ouverte à l'idée d'en briguer un second.
Elle réclame l’arbitrage privé. Le point du dossier qui vise Christine Lagarde remonte à 2007. A l'époque, la procédure judiciaire qui oppose Bernard Tapie à l'ancienne banque publique Crédit Lyonnais tourne à l'avantage de l'Etat. La Cour de cassation vient en effet d'annuler la décision de la cour d'appel qui octroyait 135 millions d'euros à Bernard Tapie.
Mais peu de temps après, Christine Lagarde, qui vient de succéder à Jean-Louis Borloo au ministère de l'Economie, décide de maintenir la décision de son prédécesseur, lui-même ancien avocat de Bernard Tapie, d'accélérer la résolution du litige en se tournant vers une procédure d'arbitrage privée. Selon un rapport de la Cour des comptes, Christine Lagarde aurait pourtant dû consulter le Parlement avant d'opter pour un arbitrage.
Un arbitrage décidé plus haut ? Mais la démarche aurait été prise sous l’impulsion de l’Elysée. D’après Le Monde, Christine Lagarde semble avoir été, pour partie, tenue à l’écart de l’affaire, qui était suivie par la présidence de la République. De 2007 à 2011, la ministre de l’Economie a pourtant eu 52 rendez-vous à l’Elysée, avec Nicolas Sarkozy, selon les agendas de l’ex-chef de l’Etat saisis par les juges.
"Je ne peux pas croire un seul instant qu'il y ait eu une volonté de quiconque d'orchestrer un arbitrage de complaisance", a assuré Christine Lagarde durant l'enquête, affirmant n'avoir jamais abordé le sujet avec Nicolas Sarkozy ou l'un de ses collaborateurs.
Lagarde refuse de faire recours. Cet arbitrage privé a finalement accordé, en 2008, 403 millions d'euros à Bernard Tapie. Une somme bien supérieure à la décision de justice rendue en 2005, qui était en effet bien plus favorable pour l'Etat. Pour autant, la ministre de l'Economie de Nicolas Sarkozy a refusé d'entamer un recours contre la décision du tribunal arbitral, alors que plusieurs spécialistes l'y encourageaient et jugeaient le montant de l'indemnisation excessif. A l’époque, Christine Lagarde avait en effet donné instruction aux représentants de l'Etat au sein des structures gérant l'héritage de l'ancienne banque publique d'aller à l'arbitrage et de ne pas contester la sentence.
Mais en février dernier, la cour d’appel de Paris a décidé d'annuler cet arbitrage, estimant que la sentence est entachée de fraude. Le fond du dossier a donc été réexaminé par la cour d’appel de Paris le 29 septembre. Et la cour d’appel a tranché : Bernard Tapie n’a subi aucun préjudice. Selon les juges, le prix de vente, d'environ 2 milliards d'euros, correspondait à la valeur réelle d'Adidas au moment de la transaction.
Pour quels motifs est-elle poursuivie ? La directrice du FMI, d'abord placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté, avait été mise en examen le 27 août 2014 pour "négligence" dans cette affaire. Lors de sa mise en examen, les magistrats de la de la Cour de justice de la République (CJR) l'avaient pressée de questions : pourquoi n'avait-elle pas approfondi l'étude du litige, pourquoi des notes de l'Agence des participations de l'Etat (APE) déconseillant le recours à l'arbitrage avaient-elles été ignorées, pourquoi ne pas avoir fait confiance à la justice ordinaire ?
Christine Lagarde avait répondu que "la solution de l'arbitrage allait dans le sens de l'efficacité". Lors de précédentes auditions, elle avait affirmé que son directeur de cabinet de l'époque, Stéphane Richard, l'avait tenue dans l'ignorance d'une réunion cruciale le 30 juillet 2007 à l'Elysée, en présence de Bernard Tapie lui-même.
Et après ? Des réponses qui n’ont pas convaincu. La commission d'instruction de la CJR a décidé de la renvoyer devant la formation de jugement, composée de trois magistrats, six députés et six sénateurs. Le délit de négligence dans la gestion de fonds publics est puni d'un an de prison et 15.000 euros d'amende.