"Faites attention aux civils !"
Dans la tourelle de tir de son Humvee blindé, Karim, mitrailleur de l'armée irakienne, reçoit les ordres crachotant du major Salam, qui commande l'opération de son unité. Et tourne son canon vers les positions islamistes.
Voilà quatre jours que sa colonne, autour de laquelle sifflent les obus de mortier et les roquettes, est entrée dans Mossoul. Quatre jours que les djihadistes de Daech, qui considèrent cette ville irakienne comme leur capitale, opposent une résistance acharnée dès les premières ruelles, témoigne la grande reporter Gwendoline Debono, envoyée spéciale d'Europe 1 en Irak, partie en opération avec les hommes de la Division d'or.
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Les forces spéciales pénètrent dans un quartier qui, à première vue, semble désert. Des câbles électriques pendent dans les rues, entre les villas fermées. Pourtant, les habitants sont bien là. Lorsqu'elle choisit une maison sur le toit de laquelle elle placera ses snipers, l'unité du major Salam découvre une famille, terrée dans une pièce. La mère se recroqueville dans un coin contre sa fille lorsqu'une frappe aérienne fait trembler le sol et les murs de la bâtisse. Voilà deux ans que ces civils n'ont pas vu des représentants de l'État irakien.
"Lorsque les djihadistes sont arrivés, ils promettaient la sécurité", témoigne le père, qui accueille l'armée avec chaleur. "C'était séduisant, mais ce n'étaient que de belles paroles. On pensait qu'ils allaient améliorer les choses mais très vite, tout n'a été qu'interdiction sur interdiction." Sa fille, elle, prie pour "que Daech ne revienne jamais".
Mais si l'étau se resserre sur les djihadistes, ces derniers ne sont pas encore partis. En témoigne leurs voitures-suicide qui rôdent autour du convoi blindé. "Il y en a une juste derrière", indique un soldat. "On a tiré mais elle est partie. Elle va peut-être revenir, on n'en sait rien." Pour tenir ces kamikazes à distance, le bulldozer de l'unité construit méthodiquement des remparts de terre à chaque intersection. Cela ne suffira pas.
Alors que le major Salam et ses hommes regardent un plan dans la cour d'une maison, soudain, une voiture piégée explose devant le portail, à quelques mètres des hommes de la Division d'or et des journalistes présents, l'envoyée spéciale d'Europe 1 Gwendoline Debono, le photographe du Monde Laurent Van Der Stockt, et une équipe de la BBC.
Les images diffusées samedi, saisissantes, témoignent aussi de l'extrême sang-froid et du courage des militaires et journalistes présents :
http://www.dailymotion.com/video/x512747_mossoul-une-voiture-piegee-explose_news" target="_blank">Mossoul : une voiture piégée explose par http://www.dailymotion.com/Europe1fr" target="_blank">Europe1fr
Déflagration, gerbe de flammes, "blast". Lorsque la poussière retombe, ils repèrent trois soldats gisant au sol. Parmi eux, un sergent que tous les hommes ici appréciaient. De rage, l'un d'entre eux frappe dans un mur. Le major Salam, lui, donne ses ordres sans rien laisser paraître. "Après l'explosion d'une voiture, il faut essayer de ne pas perdre son sang froid", témoigne-t-il avec le calme que confère l'habitude et les responsabilités. "Vous devez assumer votre rôle, qui est de mener ces hommes. Vous devez leur faire sentir qu'ils sont forts et qu'ils ont encore le pouvoir d'empêcher d'autres attaques."
Dans la nuit, son unité apprendra qu'une autre division est prise en embuscade. Ici, il faut mesurer chaque pas. "Peu importe que Mossoul tombe en deux jours ou en deux ans", souffle le major Salam. "L'important, c'est que le sang de mes hommes coule le moins possible."