Le couple franco-allemand s’est fracassé sur la crise des migrants... Et pourtant, François Hollande évoque encore les "progrès grâce à la coopération franco-allemande". De sources diplomatiques françaises, on affirme que la France a été tenue à l’écart du début à la fin de l’accord sur le retour des réfugiés en Turquie, qui prévoit de les trier avant de les répartir à nouveau en Europe.
La France informée au dernier moment. Dimanche soir, à 19 heures, le représentant de la France à Bruxelles n’en connaissait pas une ligne... Et quand Angela Merkel a posé le plan sur la table après en avoir réglé les détails avec les Turcs, les diplomates français sont tombés de leur chaise. "Pour la première fois, Angela Merkel a roulé pour elle, pas pour l’Europe", dit l’un d’entre eux. L’affront est d’autant plus dur à encaisser par la France qu’Angela Merkel n’a pas négocié cet accord avec ses partenaires européens, mais qu’elle l’a préparé depuis des mois avec la Turquie, avant de l’imposer aux 28.
Berlin a mis de côté Paris. "On a tiré un trait sur la France depuis des mois" : voilà ce qu’affirme une source à la chancellerie à Berlin. Et plus précisément depuis le 7 septembre, lorsque François Hollande a annoncé que "la France accueillerait 24.000 migrants et organiserait une conférence internationale sur le sujet". Le sol s’est dérobé sous les pieds des Allemands, qui accueillaient à ce moment-là 80.000 migrants par semaine et qui ont vu Paris se poser en médiateur de la crise et en leader d’une conférence internationale sur les migrants.
Angela Merkel est alors allée chercher son partenaire en dehors de l’Europe : la Turquie. Il y a eu des contacts hebdomadaires et même quasi-quotidiens entre Ankara et Berlin pour préparer cet accord. Cette crise des migrants marque une rupture dans le couple franco-allemand. Outre-Rhin, on évoque une cassure de la "Weltanschauung", c’est-à-dire de la vision du monde des deux pays. Les Allemands ne reconnaissent plus la patrie des droits de l’Homme.
Merkel reste une force politique en Allemagne et en Europe. La chancelière allemande peut-elle imposer seule cet accord à Paris et à ses 26 partenaires ? On ne voit pas comment la France pourrait contester son leadership à l’Allemagne. La chancelière allemande a dix ans d’expérience sur la scène européenne et elle se trouve à la tête de la plus forte puissance économique de l’UE. Selon un sondage paru mardi dans le Spiegel, elle reste très populaire. 78% des membres de la CDU, son parti chrétien-démocrate, sont satisfaits de sa politique. Ce taux grimpe à 79% chez les Verts et atteint 62% chez les socialistes du SPD et 46% à l’extrême-gauche. Si François Hollande se compare à elle, il risque la déprime.