ESCROQUERIE A LA CHINOISE. Depuis janvier dernier, le groupe Altia, propriétaire de la marque alsacienne Caddie, leader mondial des chariots de supermarchés, est aux prises avec le manager de son usine chinoise. Motif ? Cet ex-employé a entamé la construction d'une usine de contrefaçon de la marque, à seulement quelques kilomètres du site qui l'employait, a révélé mercredi le PDG du groupe, Patrice Durand, dans Challenges. Et ce n'est que la partie (très) visible d'une incroyable escroquerie dont le préjudice est évalué à plusieurs millions d'euros.
Comment le groupe a-t-il découvert le pot aux roses? Tout commence en mai dernier, avec la reprise de Caddie, alors en redressement judiciaire, par le groupe Altia. En septembre, ce repreneur lance une série d'audits. Et, dès le mois d'octobre, des fraudes sont repérées en Chine. En janvier 2013, des preuves concrètes de l'escroquerie sont apportées par un cabinet de détective privé mandaté par le groupe.
Comment a été montée cette escroquerie ? Le directeur de l'usine chinoise, un certain Fanck Jiang, a lancé la construction d'une manufacture destinée à contrefaire les chariots Caddie. Le logo de la marque alsacienne figure d'ailleurs déjà sur les panneaux de présentation devant le site qui n'est encore qu'un chantier dont émergent quelques murs, explique décrit aujourd'hui Patrice Durand. "Pour aller plus vite encore", selon le PDG d'Altia, les fraudeurs ont également dérobé des stocks de matières premières (acier, pièces plastiques) servant à la fabrication de chariots. Des machines à souder ont également disparu de l'usine du groupe.
Mais la fraude serait encore plus profonde. "Nous avons constaté que certains de nos fournisseurs étaient en fait la propriété du manager de l’usine", précise le PDG à Challenges. "Pis, la même personne a monté tout un système de sociétés écrans qui achètent nos chariots sans marge ou à marge négative et les revend à des clients locaux. Il s’agit purement et simplement de détournements de contrats". Si le chef d'entreprise assure que ses gros clients occidentaux ne sont pas impactés, il concède cependant que "beaucoup de ses clients locaux ont été récupérés par ce manager chinois". Une situation d'autant plus préjudiciable que l'usine assure près de 15% de la production mondiale de Caddie.
Et maintenant ? Dans l'attente d'une quelconque décision de justice, c'est le statut quo. Le manager a été licencié par Altia il y a deux semaines, mais refuse de quitter l'usine. Et lorsque le groupe a engagé une société de sécurité pour sauvegarder son site, l'homme, se faisant menaçant, lui aussi accompagné de gros bras, a réussi à bloquer l'accès à l'usine.
Joint par Europe1.fr, le groupe français assure pourtant avoir bon espoir d'obtenir gain de cause et que "les intérêts de Caddie sont préservés". Altia a déposé une première plainte "à l'équivalent du tribunal de commerce de Shangaï, selon son PDG, ainsi qu'une seconde au pénal pour "détournement commercial et de la propriété intellectuelle". Les premières retombées judiciaires sont attendues pour la semaine prochaine.