İsmail Hakkı Musa ambassadeur de Turquie 4:00
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Séverine Mermilliod avec AFP
La Turquie a affirmé avoir rouvert ses frontières aux migrants qui souhaitent traverser en direction de l'Union européenne, dans un contexte de tensions croissantes entre forces turques et syriennes à Idlib, en Syrie. İsmail Hakkı Musa, l’ambassadeur de Turquie en France, a rappelé au micro d'Europe 1 que la Turquie avait déjà attiré l’attention de ses alliés occidentaux "sur la gravité de la situation". 
INTERVIEW

La Turquie et la Russie sont-elles au bord de l’affrontement en Syrie ? La première cherche en tout cas à obtenir du soutien de ses alliés occidentaux dans le conflit qui l'oppose au régime syrien dans la province d'Idlib, et a annoncé vendredi avoir rouvert ses frontières pour laisser passer les migrants. Alors que la Grèce dit avoir bloqué dimanche l'entrée sur son territoire de près de 10.000 d'entre eux en 24 heures en provenance de Turquie, İsmail Hakkı Musa, l’ambassadeur de Turquie en France, a rappelé sur Europe 1 que le régime truc avait "déjà averti" l'Europe que cela pouvait arriver.

"Nous sommes quasiment seuls"

"Nous avons averti, pas seulement aujourd'hui et hier, mais depuis le début de la crise syrienne", rappelle l'ambassadeur de Turquie en France, "que nous ne pouvons plus assumer ce fardeau seuls". Selon lui quelque 3,7 millions de migrants sont en Turquie, et plus d’un million en route. "C’est beaucoup ! Et qu’est-ce qu’on a fait ? On nous a dit 'ah vous faites ça bien, nous apprécions ce que vous avez fait...' Mais rien de plus ou très peu".

Si les frontières sont ouvertes, cela veut-il dire que l'accord, conclu en 2016 entre Ankara et Bruxelles et selon lequel le gouvernement turc s'est engagé à lutter contre les passages illégaux, ne tient plus ? "Nous avons passé un accord avec l'Union européenne en 2016, avec 4 piliers : migratoire, financier, union douanière, négociations", détaille İsmail Hakkı Musa. "L’accord pourrait tenir, mais pour les raisons que je viens d’énoncer, l’Europe n’est pas à la hauteur de ses promesses". "Ce qu’a dit le Président Erdogan, c’est que c’est une autre manière d’exprimer la difficulté que nous avons et face à laquelle nous sommes quasiment seuls".

"On ne veut plus d’afflux migratoire vers nos frontières"

Si la Turquie a pris cette décision, c'est peut-être aussi parce qu'elle cherche à obtenir un soutien occidental en Syrie, où elle a perdu jeudi 33 soldats dans des frappes aériennes attribuées par Ankara au régime syrien, soutenu par Moscou, dans un contexte de tensions croissantes à Idlib entre forces turques et syriennes. La Turquie estime ne pas être en mesure de faire face à un nouvel afflux de réfugiés dû aux combats

"A Idlib, nous avons perdu 34 de nos soldats. Ce que l'on réclame, c’est qu’on avait passé un accord avec les russes (...) pour préserver cette dernière zone d’escalade qu'est Idlib. Elle devait rester un zone protégée, pour sécuriser les civils. Nous souhaitons qu'ils soient protégés là où ils sont : on ne veut plus qu’il y ait d’afflux migratoire vers nos frontières; on veut un cessez-le-feu dans le théâtre syrien, pour donner une chance au processus politique", soutient l'ambassadeur. "Si Idlib tombe, le processus politique va tomber en Syrie."

Emmanuel Macron a appelé samedi la Turquie et la Russie à établir "un cessez-le-feu durable" dans la région d'Idlib, lors d'entretiens téléphoniques séparés avec les présidents russe et truc, a indiqué l'Elysée dans un communiqué. Il a appelé la Russie à mettre "sans délai un terme à l'offensive militaire dans le nord-ouest syrien et à respecter le droit international humanitaire, la protection des populations civiles, des personnels et des accès humanitaires". 

Le chef de l'Etat a par ailleurs exprimé ses condoléances à la Turquie et appelé "à la coopération sur la gestion des flux migratoires". Une rencontre est prévue entre Erdogan et Poutine, "peut-être le 5 mars prochain", d'après İsmail Hakkı Musa.