La journée a été historique pour le continent américain. Barack Obama, le président américain, et Raul Castro, son homologue cubain, ont annoncé un rapprochement sans précédent depuis 53 ans entre les deux pays, mercredi. Ces allocutions ont officialisé une série de changements importants dans la relation entre Cuba et les Etats-Unis.
Des discours "historiques". "Todos somos americanos" (nous venons tous du continent américain) a lancé Barack Obama en espagnol, une formule qui rappelle à beaucoup le "Ich bin ein Berliner" de Kennedy en 1963. Pour le président américain, "ni les Cubains, ni les Américains ne sont récompensés par une politique rigide". Il a décidé d’infléchir radicalement la politique extérieure américaine envers le régime communiste. "Nous avons aussi des relations diplomatiques avec la Chine […] et le Vietnam", deux autres pays communistes, a plaidé le dirigeant américain. Pour autant, a-t-il prévenu, "n’attendez pas que le changement se fasse en une nuit, ce sera long. ‘No es fácil'".
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Une reprise des relations diplomatiques. C’est l’annonce la plus importante qui sera faite. Washington et La Havane vont reprendre leur dialogue, alors que les deux pays se tournent le dos depuis 53 ans. Barack Obama a demandé à son secrétaire d’Etat John Kerry d’entamer "immédiatement" les discussions pour rétablir les relations diplomatiques avec le régime castriste. Une ambassade américaine devrait ouvrir à La Havane "dans les mois à venir". De hauts fonctionnaires vont se rendre à Cuba "dans les prochains temps", a annoncé Barack Obama.
Au début de l’année 1961, un différend sur le nombre de diplomates dans les ambassades avait scellé la rupture entre les Etats-Unis et Cuba, avant que Washington ne tente de renverser le régime de Fidel Castro lors du Débarquement de la Baie des Cochons. Depuis, les relations se font uniquement officieusement. Il y a un an, Barack Obama avait rencontré Raul Castro lors des cérémonies d’hommage à Nelson Mandela, en Afrique du Sud.
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Un allègement de l’embargo. Les discours des deux dirigeants sont sensiblement différents sur le sujet de l’embargo américain en place depuis 1962. Pour Raul Castro, cette "question principale reste à régler". Barack Obama, de son côté, entend "faciliter les transactions économiques, les échanges bancaires, commerciaux et de marchandises entre les Etats-Unis et Cuba".
Pour autant, "l’embargo imposé il y a un demi-siècle a fait l’objet d’une loi" aux Etats-Unis, a rappelé le président américain. Barack Obama devra donc engager des discussions avec le Congrès pour lever le blocus.
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La libération d'un Américain débloque tout. Cette décision intervient après la libération d'Alan Gross, un Américain détenu sur l'île depuis 2009, en échange de trois prisonniers cubains aux Etats-Unis. Washington a toujours conditionné une détente avec Cuba à la libération de cet ancien contractuel de l'agence fédérale américaine pour le développement international, une branche du département d'Etat.
Par ailleurs, 53 prisonniers politiques vont être libérés dans le cadre de ce rapprochement, a annoncé un responsable américain. Depuis l'arrivée au pouvoir de Raul Castro, des milliers de prisonniers politiques ont retrouvé la liberté.
After 5 years, American contractor Alan Gross is free: http://t.co/wpgjMjFf41 (Charles Dharapak, AP) pic.twitter.com/NKQFiietkQ— USA TODAY (@USATODAY) 17 Décembre 2014
Le rôle du Vatican. Le pape François et le Vatican ont joué un rôle d'intermédiaire essentiel dans ce rapprochement historique, a indiqué un haut responsable américain. Le pape a ainsi lancé un appel personnel à Barack Obama, dans une lettre cet été, et séparément à Raul Castro, et le Vatican a accueilli des délégations des deux pays pour finaliser le rapprochement, a expliqué ce responsable. Le pape François a d'ailleurs exprimé sa "grande satisfaction" mercredi pour la "décision historique" de Cuba et des Etats-Unis d'établir des relations diplomatiques, a annoncé le Saint-Siège.
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Le terrorisme et la sécurité avec Cuba. Entre 1961 et 2014, le centre névralgique des problèmes de sécurité dans le monde s'est considérablement déplacé. "Au moment où les Etats-Unis se concentrent sur les menaces d'Al-Qaïda et de l'Etat islamique, il est important de pouvoir avancer pour permettre de nouvelles relations" avec Cuba, a déclaré Barack Obama. Les Etats-Unis vont donc retirer l'île caribéenne de la liste des pays qui soutiennent le terrorisme. Dans les années 60, les deux pays avaient frôlé le conflit nucléaire lors de la crise des missiles.
Une détente (presque) unanimement saluée. Des dirigeants d'Amérique latine ont félicité les Etats-Unis et Cuba pour leur rapprochement. C'est "une rectification historique", a estimé Nicolas Maduro, président vénézuélien, soutenu par les dirigeants du Mercosur, l'alliance économique du Brésil, de l'Argentine, du Venezuela, de l'Uruguay et du Paraguay. Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l'Onu, s'est dit "prêt à aider" les deux pays à améliorer leurs relations.
Pour l'heure, seul le président républicain de la Chambre des représentants a jugé la décision de Barack Obama "stupide". "Les relations avec le régime Castro ne devraient pas être révisées, et encore moins normalisées, tant que le peuple cubain ne jouira pas de la liberté", a estimé John Boehner.