Un Donald Trump inculte, colérique et paranoïaque. Tel est le portrait du président américain que dresse, sur près de 450 pages, le journaliste d'investigation américain Bob Woodward. L'un des deux reporters du Watergate égrène dans Fear, à paraître le 11 septembre, les anecdotes peu flatteuses et confidences accablantes sur l'ex-homme d'affaires devenu l'homme le plus puissant du monde.
Si plusieurs ouvrages peu flatteurs pour le 45ème président des États-Unis ont déjà été publiés, le sérieux et la réputation de Woodward, célèbre à travers le monde pour avoir révélé, avec Carl Bernstein, le scandale du Watergate qui a contraint Richard Nixon à la démission, donnent à celui-ci un écho particulier. Les extraits de Fear renvoient l'image - déjà décrite par d'autres - d'une Maison-Blanche dysfonctionnelle dont les acteurs n'ont que peu d'estime pour l'occupant du Bureau ovale. Retrouvez les huit passages les plus éloquents de l'ouvrage publiés par plusieurs médias américains, dont le Washington Post.
- Pourquoi dépenser autant d'argent dans la péninsule coréenne ?
Au cours d'une réunion du Conseil national de Sécurité, en janvier dernier, Trump semble ignorer l'importance de la présence militaire américaine sur la péninsule coréenne. Il demande pourquoi son pays dépense autant d'argent dans cette région. "Nous faisons cela pour éviter une troisième guerre mondiale", répond le secrétaire d'État à la Défense Jim Mattis, selon Woodward. Après la réunion, le secrétaire d'État aurait dit à des proches que le président se comportait comme un "élève de CM2 ou de 6ème" [10 à 11 ans].
- Un "idiot"
Le livre, qui doit prochainement être traduit en français aux éditions du Seuil, décrit aussi longuement la frustration récurrente du secrétaire général de la Maison-Blanche, John Kelly, qui est traditionnellement l'homme le plus proche du président au sein de la "West Wing".
Lors d'une réunion en petit comité, il aurait ainsi affirmé, à propos de Donald Trump : "C'est un idiot. C'est inutile d'essayer de le convaincre de quoi que ce soit. Il a complètement déraillé. On est chez les fous. Je ne sais même pas ce que nous faisons là". Dans une brève réaction, John Kelly a assuré n'avoir jamais qualifié le président d'idiot et réaffirmé son engagement à ses côtés.
- La chambre présidentielle renommée "l'atelier du diable"
Le prédécesseur de John Kelly, Reince Priebus, a surnommé la chambre du président "l'atelier du diable" car c'est là que Donald Trump regarde le câble et tweete. Il a également, toujours selon Woodward, rebaptisé les matins et les dimanches soirs "l'heure du crime". De son côté, le président avait semble-t-il peu d'estime pour son secrétaire général. Il a ainsi confié qu'il était "comme un rat : il se contente de courir."
- Un ancien général singé et moqué
Peu de personnes sont épargnées par les critiques de Donald Trump, selon les témoignages recueillis par Woodward, pas même le conseiller à la sécurité nationale H.R. McMaster. Trump l'imite souvent dans son dos en gonflant sa poitrine et exagérant sa respiration pour se faire passer pour le général de l'armée à la retraite. Il a également glissé que McMaster porte des costumes bon marché "comme un serveur de bières".
- John McCain, ce prisonnier lâche, selon Donald Trump
Au cours d'un dîner, Donald Trump présente le sénateur John McCain, qui a succombé à son cancer cérébral fin août, comme un lâche. Il suggère que l'ancien pilote de la Navy a été libéré prématurément d'un camp de prisonniers pendant la guerre du Vietnam grâce au rang de son père dans l'armée, en laissant d'autres personnes derrière lui.
John Mattis rectifie alors, selon Woodward, cette version, expliquant que McCain avait en réalité refusé une libération anticipée et été brutalement torturé au cours des cinq années qu'il a passées dans ce camp. "Ah, d'accord", a répondu Trump.
- Une lettre volée pour éviter un nouveau conflit commercial
Les collaborateurs de Donald Trump ont formé une sorte d'alliance pour contrer certaines décisions du président, à son insu. Woodward rapporte, par exemple, que son ancien conseiller économique Gary Cohn a "volé une lettre du bureau de Donald Trump". Le président s'apprêtait à la signer pour retirer les États-Unis d'un accord commercial avec la Corée du Sud. Plus tard, Cohn a confié à un associé qu'il a agi pour protéger la sécurité nationale et que Trump n'avait d'ailleurs pas remarqué la disparition de la lettre.
- Le conflit Corée du Nord-États-Unis, un concours d'égo ?
Dans son ouvrage, Woodward dépeint un président peu au fait des questions internationales et aux réactions disproportionnées. Au cours de l'escalade verbale qui a considérablement tendu les relations entre la Corée du Nord et les États-Unis, le journaliste rapporte que Trump a déclaré à son ancien chef de cabinet, Rob Porter, qu'il voyait la situation comme un concours de volonté : "Tout est question de leader contre leader. Un homme contre un homme. Moi contre Kim."
- Donald Trump à propos de l'attaque chimique attribuée à Bachar al-Assad : "Tuons-le bordel !"
Toujours selon les éléments rassemblés par Bob Woodward, après l'attaque chimique d'avril 2017 attribuée au régime de Bachar al-Assad, Donald Trump a appelé le général Mattis et lui a dit qu'il souhaitait assassiner le président syrien. "Tuons-le bordel ! Allons-y ! On leur rentre dedans et on les bute", aurait-il déclaré. Après avoir raccroché, Jim Mattis s'est tourné vers un conseiller et a déclaré : "Nous n'allons rien faire de tout cela. Nous allons être beaucoup plus mesurés".
Dans un texte diffusé dans la soirée de mardi, Jim Mattis n'a pas contesté cet épisode en particulier. Mais il a affirmé n'avoir jamais prononcé "les mots méprisants" qui lui sont attribués à l'encontre du président, déplorant le recours aux sources anonymes qui affaiblit la crédibilité de ces écrits. De son côté, Donald Trump a assuré mercredi n'avoir jamais évoqué l'éventuel assassinat du président syrien avec le chef du Pentagone. "Cela n'a jamais été même discuté (...). Cela n'a jamais été même envisagé", a répondu Donald Trump, interrogé dans le Bureau ovale sur ce passage du livre qu'il a qualifié de "pure fiction".