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Aviva Fried avec AFP
En Californie, plus de 80 livreurs se rebellent actuellement contre le géant du commerce en ligne Amazon, avec un mouvement social qui pourrait avoir des implications majeures pour sa façon d'opérer aux Etats-Unis. Depuis un mois, les travailleurs défilent chaque matin devant l'entrepôt de Palmdale, au nord de Los Angeles, pour ralentir les vans transportant les colis de l'entreprise.

Lorsqu'ils se sont syndiqués, Amazon a tenté de se débarrasser d'eux : en Californie, plus de 80 livreurs se rebellent actuellement contre le géant du commerce en ligne, avec un mouvement social qui pourrait avoir des implications majeures pour sa façon d'opérer aux Etats-Unis. Depuis un mois, les travailleurs défilent chaque matin devant l'entrepôt de Palmdale, au nord de Los Angeles, pour ralentir les vans transportant les colis de l'entreprise. Mais ce mouvement n'est "pas pour notre seul entrepôt, nous voulons influer à l'échelle nationale", confie à l'AFP Michael Leib, l'un des employés.

Ce livreur de 31 ans travaille pour Battle Tested Strategies (BTS), un sous-traitant d'Amazon entièrement dédié au transport des colis du géant américain. Aux Etats-Unis, l'entreprise de Jeff Bezos a externalisé ses livraisons à plus de 3.000 antennes de ce genre. Vans sans climatisation, avec des vitres bloquées en plein été, cadences effrénées... En avril, Michael Leib et ses collègues ont décidé de s'unir pour protester contre leurs conditions de travail et réclamer une augmentation de salaire : ils sont devenus les seuls livreurs Amazon américains membres d'un syndicat.

Mais quelques jours plus tôt, Amazon a annoncé l'annulation du contrat de BTS. Depuis fin juin, le géant a cessé toute activité avec le sous-traitant. "C'est injuste", proteste le livreur, en arborant une pancarte qui réclame à l'entreprise d'"arrêter (sa) vengeance".

"Mesures anti-syndicales"

Le géant américain avait déjà employé cette méthode en 2017 à Detroit, en annulant le contrat d'un autre sous-traitant dont les livreurs venaient de se syndiquer. "Amazon emploie une stratégie de la peur et des tactiques anti-syndicales partout", estime Christian Castro, porte-parole du syndicat Teamsters, l'organisation des chauffeurs routiers à laquelle les livreurs californiens ont adhéré. "Si vous essayez de vous défendre en tant que travailleur, en tant que personne, ils vont vous écraser, vous éliminer."

Afin de résister, les livreurs de BTS et le syndicat ont porté plainte pour pratiques déloyales auprès de l'Inspection américaine du travail, la NLRB, qui doit maintenant arbitrer. En attendant, ils manifestent et espèrent que le gouvernement de Joe Biden sera plus sensible à leur lutte que les administrations précédentes. Si les autorités obligent Amazon à reconnaître le syndicat, cela ouvrirait un nouveau front au sein de l'empire de Jeff Bezos. Avant les livreurs, les manutentionnaires d'un entrepôt de l'Etat de New York ont récemment réussi à rejoindre le syndicat ALU - une décision toujours contestée par l'entreprise.

Sollicité, Amazon n'a pas répondu à l'AFP. Fin juin, l'entreprise a insisté sur le fait que les livreurs de Palmdale "ne travaillent pas pour Amazon" et les a accusés d'être "volontairement trompeurs". Un discours catégoriquement rejeté par les employés, habitués à opérer partout avec le logo de l'entreprise. "Nous travaillons pour Amazon parce que nous portons leurs t-shirts, nous livrons leurs boîtes, nous conduisons leurs camionnettes, leurs étiquettes d'expédition sont partout sur les boîtes", rétorque Michael Leib, en expliquant que c'est aussi Amazon qui a le pouvoir sur d'éventuelles augmentations de salaire, et pas son patron direct, BTS.

"Four pré-chauffé"

Après trois ans de labeur, le livreur dénonce des conditions de travail "très dures". Les vans de sa flotte sont souvent défectueux et l'été, la chaleur à l'arrière des véhicules ressemble à celle "d'un four pré-chauffé" tandis que les chauffeurs doivent livrer plus de 400 paquets par jour, avec des "superviseurs constamment sur leur dos", affirme-t-il. L'an dernier, "j'ai eu des nausées (...) et j'ai failli m'effondrer", confie-t-il. Malgré ce dévouement, Amazon assure qu'elle a rompu le contrat de BTS car le sous-traitant était "habitué à sous-performer" et rater ses objectifs.

Une version vivement contestée par le patron de l'antenne, Johnathon Ervin. Ses employés ont selon lui établi des records, avec jusqu'à 20.000 paquets livrés par jour et 100.000 par semaine. "Est-ce que ça vous semble être une mauvaise performance ?", raille l'entrepreneur, loué pour son travail dans une newsletter d'Amazon en 2020. En novembre, une évaluation positive du groupe estimait que le risque de non-renouvellement de son contrat était "faible".

Amazon savait depuis plus d'un an que les livreurs de Palmdale voulaient se syndiquer, explique-t-il. En août, le groupe a offert une formation au management de BTS. "C'était censé être un atelier sur le droit du travail, mais cela s'est avéré être une formation anti-syndicale", reprend Johnathon Ervin. "Ils nous ont dit que si les travailleurs se syndiquaient, ils annuleraient notre contrat et nous ont donné des stratégies pour les en empêcher."