Le 22 janvier, le ministre des affaires Etrangères marocain a reporté en dernière minute son déplacement en France. La dernière étape d'un long feuilleton fait de couacs diplomatiques et de refroidissement des relations franco-marocaines, étalés sur les dix derniers mois. Avec en point d'orgue le blocage de la coopération judiciaire entre les deux pays.
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Le 20 février, la "gifle de Neuilly"
Tout a commencé par "une gifle" diplomatique, un camouflet que les diplomates marocains n'ont pas digéré. Le 20 février 2014, sept policiers armés et vêtus de gilets pare-balles font irruption à la résidence de l'ambassade du Maroc, à Neuilly, dans les Hauts-de-Seine. Les forces de l'ordre sont venues remettre à Chakib Benmoussa, ambassadeur marocain, une convocation de la juge d'instruction française Sophie Kheris qui s'adresse à Abdellatif El Hammouchi, directeur de la sécurité intérieure du royaume de Mohammed VI, soupçonné de "torture". Le numéro un du contre-espionnage marocain n'est pas sur place, il avait regagné Rabat un peu plus tôt, et le majordome refuse d'accuser réception du papier bleu, précise Jeune Afrique.
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Mais peu importe, le cercle vicieux des tensions diplomatiques est enclenché. Il est nourri par une déclaration anodine de l'acteur Javier Bardem, faite deux jours plus tôt lors de la sortie du film Les Enfants des Nuages qu'il coproduit. Lors de la projection de ce documentaire sur la vie des Sarahouis (habitants du Shara occidental, région revendiquée par le Maroc entre autres), la star évoque une phrase que lui aurait dite l'ambassadeur de France auprès de l'ONU, Gérard Araud, rencontré en 2011 : "Le Maroc est une maîtresse avec laquelle on dort tous les soirs, dont on n'est pas particulièrement amoureux, mais qu'on doit défendre." Vue le contexte, cette anecdote alimente la polémique et nourrit la colère des diplomates marocains.
Lundi 24 février 2014, la réaction de Rabat
Quatre jours plus tard, alors que Nicolas Hulot, envoyé spécial de la France pour la protection de la planète, devait tenir une conférence à Rabat, les autorités annulent la réunion sans plus de justifications. S'ensuit un coup de téléphone passé par François Hollande au roi Mohammed VI qui n'apaise pas vraiment la situation.
Le lendemain, des milliers de citoyens marocains manifestent devant les grilles de l'ambassade de France au Maroc. Un symbole fort, qui pousse le Premier ministre du moment Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls, alors place Beauvau et Laurent Fabius, au Quai d'Orsay, à appeler leurs homologues marocains pour apaiser la situation.
Mercredi 26, la coopération judiciaire prend fin
Une nouvelle fois, la diplomatie du téléphone ne suffit pas puisque le Maroc annonce la suspension des accords de coopération judiciaire entre les deux pays. Conséquence directe de ce refroidissement sensible, les dossiers des Franco-Marocains détenus au Maroc sont bloqués. Les cas relevant du pénal sont davantage touchés que les cas relevant du civil.
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Interrogé par Le Figaro, un expert relève qu'une partie des aspirants djihadistes de Syrie viennent du Maroc : "On dénombre environ 1.500 Marocains et 1.200 Français ou ressortissants au sein des factions djihadistes en Syrie", explique-t-il. Au niveau pénal, Jeune Afrique estime que le blocage des commissions rogatoires (procédure qui permet à la justice française de déléguer à d'autres pays) va empêcher les deux pays de traiter 150 à 200 dossiers annuels.
Le 26 mars, la goutte d'eau qui fait déborder le vase
Un mois plus tard, un nouvel événement vient renforcer la tension ambiante. A son arrivée à l'aéroport Charles de Gaulle à Paris, le ministre des Affaires Etrangères marocain Salaheddine Mezouar subit une fouille malgré son passeport diplomatique. Laurent Fabius a beau lui présenter ses excuses, la coupe est pleine pour Rabat.
25 septembre 2014, une tribune très offensive
L'été se passe dans une froideur inhabituelle pour les deux pays. Lors d'une visite à l'ONU le 25 septembre, Mohammed VI a des mots très durs pour les "anciennes puissances coloniales" : "Le premier appel que je lance du haut de cette tribune est un appel pour le respect des spécificités de chaque pays, dans son itinéraire national [...]. Cela vaut surtout pour les pays en voie de développement qui pâtissent encore des effets de la colonisation. [...] Le colonialisme a causé de grands préjudices aux États qui en ont subi la tutelle." Une attaque à peine voilée à l'encontre de la France, qui entretient le climat de défiance entre Paris et Rabat.
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14 octobre 2014, Hollande tente de calmer le jeu
Quinze jours plus tard, François Hollande monte au créneau pour tenter d'apaiser les relations avec le Maroc. Le président rappelle à quel point le partenariat entre les deux pays est stratégique (40% des investissements étrangers au Maroc viennent de France, et 36 des 40 entreprises du CAC 40 sont implantées dans le pays) : "Nous avons besoin l'un de l'autre, le Maroc de la France et la France du Maroc. Je veux que nos deux pays non seulement demeurent des partenaires d'exception mais puissent encore davantage coopérer dans tous les domaines." En coulisses, des rumeurs font état d'une implication directe dans le dossier d'Élisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice et présidente de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale, ainsi que de Jack Lang, président de l'Institut du monde arabe. Deux socialistes très attachés au Maroc.
22 janvier 2015, nouveau couac
Dernier événement en date, le report d'une visite en France du ministre marocain des Affaires Etrangères, échaudé par l'épisode du contrôle subi quelques mois plus tôt à Roissy. "Ce report vise à se donner plus de temps pour régler les dossiers en souffrance entre les deux pays", a affirmé le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi. Une manière polie de marquer le fossé qui s'est creusé en dix mois entre Paris et Rabat.