Un genou posé à terre pour protester en silence : c’est ce qu’ont fait une centaine de footballeurs américains lorsqu’a retenti l’hymne national avant le coup d’envoi des matches de la Ligue de football américain (NFL) dimanche, en réaction aux propos de Donald Trump. Le président américain avait appelé vendredi à "virer" les sportifs qui ne respectaient pas l’hymne national, parlant sans le nommer de Colin Kaepernick qui avait déjà posé un genou à terre en 2016. C’est en signe de solidarité avec ce joueur, aujourd'hui sans club, que les footballeurs de la NFL se sont agenouillés.
Contre les violences policières envers les Noirs. Ce genou à terre est devenu une marque de protestation contre les injustices sociales et raciales qui traversent la société américaine. Son origine remonte à l’été 2016, lorsque Colin Kaepernick, ancien quarterback des San Francisco 49ers, avait refusé d’écouter debout l’hymne américain.
En posant son genou à terre, Colin Kaepernick protestait contre les meurtres de plusieurs hommes noirs abattus par des policiers blancs. Le joueur entendait ne plus "afficher de fierté pour le drapeau d’un pays qui opprime les Noirs et les gens de couleur", affirmait-il dans une interview au média de la NFL. Il dénonçait aussi l’acquittement systématique des policiers blancs mis en cause dans ces bavures, alors que quelques semaines plus tôt, les policiers de Baltimore impliqués dans la mort de Freddie Gray en 2015 avaient été acquittés.
Colin Kaepernick, à droite, a réitéré son "genou à terre" le 12 septembre 2016, avec son coéquipier Eric Reid, avant un match contre les Los Angeles Rams.
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Une offense pour les traditions. Colin Kaepernick avait d’abord choisi de s’asseoir pendant l’hymne national pour protester, synonyme d’affront pour un pays qui vénère ses symboles républicains. Mais après en avoir discuté avec un autre joueur de Seattle qui a combattu en Irak et en Afghanistan, il avait décidé d’adopter une attitude moins offensante et de ne poser qu’un genou à terre. Cette posture, dite "take a knee", représente davantage une marque de retrait que de protestation. Elle est aussi plus respectueuse des patriotes et des vétérans. Dans le foot américain, les sportifs ont déjà recours à cette pratique lorsqu’un joueur blessé doit être évacué de la pelouse, ou lorsque le quarterback joue la montre alors que le temps de jeu arrive à sa fin.
La pratique du "take a knee" a ainsi gagné des adeptes durant la saison 2016-17 de football américain, et s’est même étendu à d’autres sports, comme le rappelle Le Monde. Mais si ce militantisme sportif est salué par certains, il est critiqué par les plus farouches défenseurs du drapeau, qui y voient un manque de respect pour l’Amérique. Traditionnellement, public et joueurs se tiennent debout, la main droite sur le cœur, lorsque retentit l’hymne national avant chaque match de NFL. D’ailleurs, signe des tensions que ces revendications ont suscité, Colin Kaepernick n’a toujours pas retrouvé d’équipe depuis la fin de son contrat, il y a un an, alors que son début de carrière avait été très prometteur, avec une qualification pour le Superbowl en 2013.
Le Star Spangled Banner, l’hymne national américain, est joué dans presque toutes les manifestations sportives des États-Unis. Composé pendant la guerre contre les Anglais en 1812, ce texte martial fait la gloire de la résilience des Américains. Le troisième paragraphe dénonce les esclaves qui se sont ralliés aux Anglais et est souvent considéré comme raciste.
En référence à Martin Luther King ? Même s’il n’a pas évoqué explicitement le combat du mouvement "Black Lives Matter" ("la vie des Noirs compte"), le geste de Colin Kaepernick semble inspiré de celui de Martin Luther King. En 1965, le pasteur afro-américain avait posé son genou gauche au sol à Selma, en Alabama, comme l'a rappelé dans un tweet samedi le Centre Martin Luther King, dédié au leader des droits civiques outre-Atlantique. Comme le rappelle le Washington Post, le pasteur était venu ce jour-là pour manifester pacifiquement avec des Afro-Américains en défilant jusqu’au palais de justice pour s’inscrire comme électeurs. Mais d’abord, ils ont posé un genou à terre, le temps d’une prière.
Many are "more dedicated to order than to justice," offended by kneeling during the Anthem & not by racism & modern-day lynching. #TakeAKneepic.twitter.com/E23oM1ZW6X
— The King Center (@TheKingCenter) 23 septembre 2017