Quand des milliers de criminels et de djihadistes se retrouvent ensemble sous les verrous, le cocktail peut s’avérer explosif. En enfermant massivement les islamistes radicaux et gradés de l’armée de Sadam Hussein pendant la guerre d’Irak, les Etats-Unis pourraient bien avoir fait le lit de l’Etat islamique. Dans les années 2000, en effet, au moins neuf hauts dirigeants de l’organisation terroriste ont séjourné dans les geôles américaines de la prison de Bucca, en Irak. Et s’y sont peut-être même rencontrés.
Al-Baghdadi et ses lieutenants. Le puissant émir Abou Bakr Al-Baghdadi a lui-même été enfermé pendant cinq années à "camp Bucca". Arrêté par l’armée américaine en 2004 lors d’une réunion de dirigeants d’Al Qaïda en Irak (à l’origine de l’Etat islamique), Abou Bakr Al-Baghdadi a pu – même si cela n’est pas irréfutablement prouvé – y rencontrer son futur numéro Abou Muslim Al-Turkmani, ou encore celui qui deviendra conseiller militaire, également enfermés dans la prison américaine.
Dans les couloirs de cette prison située dans la ville de Garma, entre 2004 et 2009, de "simples" criminels ont côtoyé des islamistes parmi les plus radicaux, de hauts gradés baasistes de l’armée de Sadam Hussein se sont retrouvés aux côtés de terroristes chevronnés d’Al Qaïda, note Richard Barrett, spécialiste du contre-terrorisme dans un rapport pour le Soufan group.
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Des baasistes avec des islamistes. Or, comme c’est le cas dans toutes les prisons du monde, l’enfermement favorise la radicalisation. Dans le cas de "camp Bucca", cela a pu avoir des conséquences que l’on n’imaginait pas à l’époque. Chaque communauté vivait regroupée : les salafistes avec les salafistes, les baasistes (laïcs) entre eux. Mais, note le rapport, les deux groupes, s’ils ont des méthodes différentes, ont vu une communauté d’interêt et se sont échangés leurs compétences. Résultat : le numéro 2 de l’Etat islamique et plusieurs des conseillers de Baghdadi sont d’anciens militaires de Sadam Hussein.
Mais en 2009, la prison a relâché des centaines de criminels dans la nature. Saad Abbas Mahmoud, un chef de la police irakienne, craignait que 90% des prisonniers qui ont été libérés ne retournent sur les chemins du crime, comme il le témoigne dans le Washington Post. A l’époque, d’anciens détenus l’avaient surnommée "l’école d’Al Qaïda". Sans se douter qu’un jour, Al Qaïda serait "ringardisée" par l’Etat islamique.