Réticent à l'idée d'être présenté comme un héros, il aura mis du temps à accepter de nous confier son témoignage. Originaire des Pyrénées-Orientales et âgé de 25 ans, celui qui se fait appeler Hannibal est en Irak depuis deux mois. Son objectif : combattre l'Etat islamique. Cet ancien sapeur-pompier a tout quitté, sa famille et ses amis, vendu ses biens, pour se retrouver en zone de guerre.
"Ne pas rester les bras croisés". Hannibal appartient à l'AFL pour Assyrian French Legion (Légion Française Assyrienne), un groupe composé essentiellement d’ex-militaires qui travaille avec les Peshmergas kurdes et les milices chrétiennes. En septembre, Hannibal fait partie des premiers Français du groupe à poser le pied sur le sol irakien.
Sa motivation est simple : "c’est important de le faire, de ne pas rester en France et de regarder les bras croisés (ce qui s'y passe)". Hannibal prépare son voyage pendant sept mois et n’a d’autre choix que de s’auto-financer : "j'ai tout vendu, que ce soit mes meubles, mes affaires, mon véhicule… J’ai tout quitté en France pour venir ici".
"L'Etat islamique en visuel tous les matins et tous les soirs". En deux mois, Hannibal a été trois fois sur la ligne de front. Avec ses compagnons irakiens chrétiens et les autres engagés occidentaux, il occupe une caserne "à 600 mètres de la ligne de front". "On a l'Etat islamique en visuel, tous les matins et tous les soirs, on reçoit des tirs de mortiers, des tirs de missiles russes en permanence".
Le jeune homme donne aussi une vision plus précise des combats qui se jouent dans la région. "Les combats ici, c’est vraiment des lignes fixes, c’est pas des combats de villes entre villes, c’est deux villages qui s’affrontent. Entre chaque village, il y a entre 1 kilomètre et 600 mètres de distance, c’est des tranchées tout le long".
La coalition ? "C’est pas grâce à eux que la guerre sera gagnée". Hannibal a l’occasion de voir très souvent les djihadistes de l’Etat islamique : "ils viennent, ils tirent quelques missiles et puis ils s’en vont, ils n'osent pas venir au contact". "C'est très loin des vidéos de propagande sur Internet", poursuit-il, avant d’ajouter : "il y a largement moyen de les vaincre".
Mais pour Hannibal, la reconquête de l’Irak et de la Syrie, ne viendra pas des frappes de la coalition. "C’est pas grâce à eux que la guerre sera gagnée", assène-t-il, avant d’expliquer que les frappes sont très insuffisantes. "Dans une soirée il y a peut-être une cinquantaine d’avions qui vous passent au-dessus et qui ne font rien".
"Je suis venu pour rester jusqu’au bout". Dans ce contexte, difficile pour Hannibal de communiquer régulièrement avec ses proches mais explique-t-il, "je suis issu d’une famille de militaires et de pompiers donc ils comprennent, ils savent pourquoi je suis là". "Après, poursuit-il, "ils approuvent sans approuver car ils ont peur qu’il m’arrive quelque chose". Lui-même ne leur raconte pas tout : "on ne peut pas dire à sa famille : 'aujourd’hui, j’ai reçu un mortier à 10 mètres de moi'".
Pour autant, Hannibal n’a pas de date de retour. "Je suis venu pour rester jusqu’au bout". Il conclut : "quand on en aura fini avec l’Etat islamique, à ce moment-là, je rentrerai en France".
En décembre, Hannibal devrait être rejoint par d’autres Français qui sont entraînés en ce moment par Philippe, l’un des chefs de l’organisation. Il confie à Europe 1 avoir en ce moment "un réservoir potentiel énorme de gens de qualité prêts avec un budget plus ou moins important que nous allons essayer d’aider". Le groupe a ainsi mis en ligne une cagnotte Letchi pour aider les volontaires à financer leur voyage.
D’ici janvier, Philippe espère que ces hommes qu’il entraîne partout en France iront rejoindre la petite dizaine de combattants sur le terrain, comme Hannibal. Selon ses estimations, ils devraient être alors quatre fois plus.