Pour sa première conférence de presse depuis son élection à la présidence des États-Unis, Donald Trump a assuré le spectacle, mercredi. Le milliardaire américain s’en est notamment pris à certains médias, qu'il a accusés d’avoir diffusé de "fausses informations" à son égard. "C'est quelque chose que l'Allemagne nazie aurait fait, et a fait", s’est-il emporté, qualifiant également le site Buzzfeed de "tas d'ordures sur le déclin". Pour Jean-Eric Branaa, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l'Université Paris 2 Panthéon-Assas, "son rapport à la presse commence à être préoccupant". "Mais dans un premier temps, ça ne peut que le renforcer", juge-t-il.
- Dans sa communication, y a-t-il une différence entre le candidat Trump et le président élu ?
"Non. Donald Trump n’a rien changé. À chaque fois qu’il est attaqué, il contre-attaque dix fois plus fort. Il est toujours en campagne et adopte les mêmes postures. Sa phrase ‘je serai le plus grand créateur d’emplois que Dieu a jamais créé’, il l’avait déjà répétée cinquante fois pendant sa campagne.
Il joue à la fois sur l’exagération et le narcissisme des hommes politiques. Je crois que c’est aussi ce qu’il a voulu montrer. On prend au premier degré tout ce qu’il dit, mais sa conférence de presse m’a beaucoup fait rire. Il donne en tout cas aux Américains, républicains comme démocrates, l’image d’un homme honnête et courageux.
- Quel est son rapport profond avec les médias ?
Il a peur des journalistes. Je crois qu’il a un vrai problème avec la presse, et donc avec le peuple. Il prétend s’adresser directement aux Américains sur Twitter, mais tout le monde n’y est pas. Les hommes politiques ont tendance à oublier que les médias ne sont que des filtres, des moyens de s’adresser au peuple.
Pendant toute sa campagne, il n’a cessé de dénoncer les journalistes. Cette façon de mettre toute cette profession sur le banc des accusés, c’est une manière de préparer sa défense. Quand il y aura des problèmes, que la presse le critiquera, il pourra à nouveau dire ‘ce sont des menteurs’.
- Combien de temps peut-il tenir avec cette communication ?
Dans un premier temps, ça ne peut que le renforcer. "Seul contre tous", c’était son slogan. On a tous été dans la pensée unique, journalistes et commentateurs, moi y compris. Sa stratégie marche très bien, parce que les gens se sentent rejetés, et du coup ils rejettent ceux qui sont censés les écouter.
Je crois qu’il va tenir deux ans. Il va être soutenu par les parlementaires américains dont le poste dépend de la réussite de Donald Trump, puisqu’ils sont élus pour deux ans. Dans douze mois, ils vont donc rentrer en campagne. Pour être réélus, ils ont besoin que le pays soit dans l’unité et qu’on ne leur reproche pas d’avoir mis des bâtons dans les roues du président. Par la suite, ça va être compliqué. Le peuple va commencer à demander des comptes. Il aura besoin de renouveler son style. Ce qui est sûr, c’est qu’il est accro aux médias. Je ne pense pas qu’à 70 ans, on change.