Six ans après la mort de deux reporters dans un bombardement de l'armée syrienne à Homs, leurs proches et des rescapés, dont la journaliste Édith Bouvier, ont demandé lundi à la justice française d'engager des poursuites contre les commanditaires de cette "attaque ciblée".
Le 22 février 2012, le photographe français Rémi Ochlik et la reporter de guerre américaine Marie Colvin avaient péri dans le bombardement d'un centre de presse clandestin du quartier rebelle de Baba Amr, à Homs, dans le centre du pays. L'opération, imputée au régime de Bachar al-Assad, avait fait trois blessés dont la journaliste indépendante française, travaillant pour Le Figaro, Édith Bouvier.
Des éléments faisant état d'une "attaque préméditée". Six ans après, "les éléments à disposition de la justice française ne laissent plus de doute sur le caractère prémédité et ciblé de l'attaque, ni sur l'identité de plusieurs de ses auteurs présumés, membres de la haute hiérarchie militaire et sécuritaire syrienne. Pourtant, la justice française n'a procédé à ce jour à aucune inculpation", déplore la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) dans un communiqué.
Témoignages d'anciens membres de l'armée syrienne. L'ONG, les rescapés et les familles des journalistes tués réclament que des mandats d'arrêts internationaux "soient délivrés sans délai à l'encontre des présumés responsables", pour qu'ils soient poursuivis dans l'enquête ouverte en 2012 à Paris pour assassinats, et requalifiée en 2014 en crimes de guerre. Les trois juges d'instruction du pôle spécialisé "crimes de guerre" ont pu recueillir les témoignages de quatre anciens membres de l'armée et des services de sécurité syriens ayant fait défection et qui se trouvent en Europe, selon une source proche du dossier.
Empêcher les reporters de la "sanglante reprise de Homs" ? D'après l'ONG, leur récit, associé à des éléments matériels, a permis de reconstituer la chaîne de commandement de l'opération et le rôle présumé de plusieurs dignitaires syriens: le frère du président syrien et commandant de la 4e division blindée, Maher al-Assad, le chef des services secrets, Ali Mamluk, et l'ancien chef du comité militaire et de la sécurité à Homs, Rafik Shahada. Un "témoin direct" des préparatifs a récemment corroboré "de matière particulièrement détaillée les précédentes informations et témoignages" sur le déroulé de cette opération. Son but, selon l'ONG: "empêcher" les reporters "de témoigner de la sanglante reprise de Homs" et "dissuader" les médias internationaux de venir en zone rebelle.
Les appels téléphoniques de Marie Colvin "localisés" ? Selon ce scénario, le régime aurait procédé à la "localisation" des communications téléphoniques de Marie Colvin" et se serait appuyé sur "un informateur" près du centre de presse avant de planifier l'opération. "On ne peut pas dans les réunions internationales tirer à boulets rouges sur le régime de Bachar al-Assad et ne rien faire dans une procédure où figurent pourtant des éléments objectifs", a déclaré Emmanuel Daoud, avocat des proches de Marie Colvin et de rescapés lors d'une conférence de presse.
"Cette enquête représente un espoir important pour les victimes syriennes de replacer la lutte contre l'impunité au cœur ces priorités car sans justice il n'y aura pas de paix en Syrie", a ajouté Clémence Bectarte, avocate à la FIDH. En sept ans, la guerre en Syrie a fait plus de 350.000 morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).