Il s'était fait discret depuis sa défaite, en 2012, face à Barack Obama. Mitt Romney, ancien candidat républicain à l'élection présidentielle américaine, a sorti le grand jeu jeudi. Quelques heures avant que Donald Trump, Marco Rubio, Ted Cruz et John Kasich, toujours en lice pour la primaire du parti conservateur, ne débattent sur Fox News, Mitt Romney a pris la parole dans l'Utah. Et il n'a pas mâché ses mots. Il a accusé Donald Trump, qui fait actuellement la course en tête dans les primaires républicaines, de "malhonnêteté", "misogynie" et "cupidité".
Cette intervention illustre l'état d'esprit actuel du Parti républicain. Deux jours après le "Super Mardi", pendant lequel Donald Trump a creusé l'écart avec ses rivaux, remportant sept Etats et totalisant désormais 285 délégués, les caciques du "Grand Old Party" (GOP) sont aux abois. Alors que la logique voudrait que tous fassent bloc autour du vainqueur du "Super Mardi", la stratégie adoptée semble plutôt être celle d'une offensive de la dernière chance pour empêcher Donald Trump de remporter les 1.237 délégués nécessaires pour représenter officiellement les conservateurs à la présidentielle. Car l'ancien candidat à la présidentielle de 2012 n'est pas le seul à sortir l'artillerie lourde pour plomber la campagne du magnat de l'immobilier permanenté.
Super PAC à l'attaque. Un comité d'action politique (les fameux "super PAC" qui dépensent des millions de dollars pour soutenir certains candidats) républicain, "Our Principles PAC", a dévoilé juste avant et après le "Super Mardi" plusieurs spots télévisés anti-Trump. Ces clips courts s'attaquent notamment aux propos racistes du milliardaire ainsi qu'à une université qu'il a fondée en 2005 et qui est poursuivie pour avoir trompé les élèves. Le super PAC, qui a engagé pour l'occasion l'ancien directeur de la communication de Jeb Bush, a d'ores et déjà prévenu que de nouvelles offensives seraient lancées contre Donald Trump et ses soutiens les 8 et 15 mars prochains, avant les primaires de Floride et de l'Ohio.
Faire le pari d'une convention. Selon le New York Times, qui a consacré dans son édition du 28 février un dossier entier aux tentatives désespérées du Parti républicain de stopper Donald Trump dans son élan, le gouverneur du Maine, Paul LePage, aurait également proposé à ses collègues de "rédiger une lettre ouverte 'au peuple' désavouant M. Trump". Une proposition qui n'a, finalement, pas été retenue. L'objectif est désormais de maintenir le candidat indésirable sous la barre des 1.237 délégués jusqu'à l'été. Dans ce cas-là, une "convention ouverte" se déroulera à Cleveland et les délégués, "libérés" de tout engagement, pourront voter pour n'importe qui.
Les épreuves de la Floride et de l'Ohio. La date du 15 mars est cruciale, car les Etats de Floride et de l'Ohio fonctionnent sur le principe du "winner takes all" : contrairement à d'autres Etats, où le scrutin à la proportionnelle permet de rafler un nombre de délégués qui varie selon son score, là le vainqueur remporte tout. Si Donald Trump sort en tête, le GOP n'aura d'autre choix que de l'accepter comme candidat. Mais les républicains font le pari que Marco Rubio, sénateur de Floride, et John Kasich, gouverneur de l'Ohio, vont l'emporter à domicile.
Trump donné battu face à Clinton. Si les pontes républicains sont si hostiles à Donald Trump, c'est d'une part parce qu'ils considèrent que celui-ci ne pourra pas l'emporter face au candidat démocrate, qui sera très probablement Hillary Clinton. Selon un récent sondage ORC Poll pour CNN, l'ancienne secrétaire d'Etat gagnerait par 52% des suffrages contre le milliardaire. Mais la défaite n'est pas la principale crainte des conservateurs. En réalité, la candidature de Donald Trump leur fait exactement le même effet qu'aux observateurs étrangers : celle d'une plaisanterie qui n'en finirait pas.
Un parti menacé de l'intérieur. Donald Trump n'est en effet pas un républicain traditionnel. L'homme, qui fut un temps démocrate, est certes un grand admirateur de Ronald Reagan. Mais il s'emploie à saper consciencieusement les fondements du programme du parti depuis le début de sa campagne. En politique extérieure, le milliardaire critique violemment l'invasion de l'Irak en 2003 et regrette les dictatures arabes, considérant que Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi avaient au moins le mérite de "tuer des terroristes". Tout le contraire de la politique menée par George W. Bush. Donald Trump a également déclaré sa flamme au président russe, Vladimir Poutine, quand l'ancien candidat républicain à la présidentielle de 2008, John McCain, n'hésite pas à lier le président russe au KGB à longueur d'interviews.
Survie idéologique. Le magnat de l'immobilier n'est pas plus en accord avec le programme de son parti en matière de politique intérieure ou économique. Partisan d'un Etat fédéral puissant quand les républicains s'en méfient comme de la peste, il tient également un discours protectionniste peu en accord avec l'image de parti du "big business" que s'est forgée le GOP. Enfin, certaines de ses propositions provocatrices, comme l'expulsion des millions de sans-papiers que comptent les Etats-Unis, sont jugées infaisables par les autres responsables du Parti. Pour les républicains, la défaite de Donald Trump est donc aussi une question de survie idéologique. Marco Rubio ne s'y est pas trompé. Le soir du "Super Mardi", le sénateur de Floride a prévenu que "la nomination de Donald Trump signifierait la fin du parti républicain".