Tous les médias américains n'ont que ce paradoxe au bout de la plume : comment donc Emmanuel Macron et Donald Trump, qui ont non seulement 31 ans d'écart mais aussi des divergences politiques fortes, se retrouvent-ils à multiplier les signes d'amitié et les photos officielles côte à côte ? Alors que le président français est le premier chef d'État accueilli en grande pompe par Donald Trump depuis l'élection de ce dernier, pour une visite officielle à Washington qui doit s'achever mercredi soir, la presse outre-Altlantique se penche sur la stratégie du marcheur. Et décortique notamment la cour assidue qu'il fait au président américain pour tenter de le faire changer d'avis sur certains sujets.
"Celui qui murmurait à l'oreille de Trump". Le New York Times rappelle ainsi que les deux leaders politiques "ont noué une amitié improbable, en dépit de divergences politiques sur l'accord iranien, le commerce international et le changement climatique". Trois points clefs qui doivent être abordés lors de cette visite à Washington. Pour le quotidien américain, cette amitié relève de "calculs subtils" de la part d'Emmanuel Macron, qui "s'est fait une spécialité d'offrir une attention respectueuse et flatteuse aux figures de pouvoir plus âgées. Trump n'est que le dernier d'une longue liste d'hommes (au sein de laquelle figurent François Hollande, ancien président français, et Jacques Attali, ancien conseiller présidentiel) que Macron a intelligemment utilisés avant de les doubler." Du côté de The Atlantic, on estime que "cette semaine, le président français Emmanuel Macron a gagné un nouveau surnom : 'celui qui murmurait à l'oreille de Trump'."
" C'est dans la nature de Macron. Il arrive dans une pièce, voit une chaise et essaie de la séduire. "
"Il arrive dans une pièce, voit une chaise et essaie de la séduire". Le Washington Post aussi relève que "Macron a fait tout son possible pour soigner Trump", notamment lorsqu'il l'a invité en grandes pompes aux cérémonies du 14 juillet l'année dernière. Dans une vidéo, l'emblématique journal note que "beaucoup de [cette relation] semble reposer sur la testostérone". "Trump respecte les hommes politiques forts et Macron en est un", analyse le Washington Post. "La plupart du temps, il arrive à tracer sa route et aller vers ce qu'il décide de faire. Cette rigidité sans compromis" peut donc expliquer la bonne relation avec Trump. Mais s'agit bien, avant tout, d'une opération de séduction. "C'est dans la nature de Macron", explique au quotidien William Drozdiak, auteur d'une biographie à paraître du président français. "Il arrive dans une pièce, voit une chaise et essaie de la séduire. Macron est le pragmatique ultime. C'est pour ça qu'il est le seul leader occidental, avec Trump, à avoir aujourd'hui un dialogue ouvert avec Poutine."
Vers des changements concrets de la politique américaine ? Mais est-ce que cette "offensive de charme soutenue", pour reprendre les termes du New York Times, fonctionne ? La radio NPR souligne que "l'enjeu [de la visite à Washington] est probablement plus grand pour Macron que pour Trump car le leader français aura besoin de montrer que sa relation étroite avec Trump produit des résultats". "La vraie question, c'est de savoir si leurs affinités de style et la camaraderie que les deux présidents ont développé conduit à des changements de politique concrets et substantiels de la part de Washington", explique Jeffrey Rathke, ancien directeur de la communication de Barack Obama.
" Macron a gagné un voyage à Washington. Mais à part ça, il ne reçoit que peu en échange de sa cour. "
Des résultats "mitigés". Et de changements concrets, il n'est pas encore question, estiment unanimement les médias américains. "Macron a gagné un voyage à Washington. Mais à part ça, il ne reçoit que peu en échange de sa cour", note le New York Times, pour qui le résultat est "mitigé". Auprès de la radio NPR, Jeff Lightfoot, du think tank Atlantic Coucil, spécialisé dans les relations internationales, confirme que Macron a "beaucoup investi dans cette relation, mais le fait qu'il puisse influencer Donald Trump n'est pas clair". Le New York Times prend l'exemple des frappes coordonnées en Syrie. "Lorsque Macron a publiquement dit qu'il avait convaincu Trump [d'intervenir], la Maison Blanche l'a rapidement contesté", rappelle le quotidien. Dans le magazine Time, François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation de la Recherche Stratégique, estime quant à lui que "la probabilité que Trump change d'avis sur l'Iran est faible".
Macron "pas naïf". Néanmoins, il n'est pas question pour Emmanuel Macron de se montrer trop optimiste. Pour les médias américains, il est au contraire le dernier recours. "De l'avis de tous les partenaires européens de Macron, si un compromis peut être trouvé avec Trump sur l'Iran, il est l'homme pour obtenir cet accord", souligne le Washington Post. Pour le New York Times, "personne ne devrait confondre l'attention que porte Macron à Trump avec une authentique amitié masculine. Macron fait des critiques sélectives de Trump, comme pour signaler clairement aux Français qu'il n'est pas naïf".
" Macron aura une bonne note pour avoir essayé, ce qui n'est pas une mauvaise chose. "
"Macron aura une bonne note pour avoir essayé". Quant à échouer sur, notamment, le dossier iranien, cela pourrait ne pas être totalement dévastateur pour le président français. "Ce serait une opportunité en or de tester son leadership sur la scène internationale", croit savoir le Washington Post. "Macron aura une bonne note pour avoir essayé, ce qui n'est pas une mauvaise chose", abonde François Heisbourg dans les colonnes du Time. Et ce même magazine de poursuivre : "en réalité, Macron pourrait quitter Washington mercredi soir avec peu ou pas de résultat concret à rapporter à la maison, la visite sera quand même vue comme un succès. Tout simplement parce qu'elle aura servi à donner de Macron l'image de l'un des leaders les plus importants de la scène mondiale." Pour François Heisbourg, "ça ne fait jamais de mal d'être vu comme le type qui peut parler à tous les grands mecs du quartier. Et Macron est probablement le seul chef d'Etat européen qui peut vraiment s'en targuer." "Reste à savoir si tout le monde voit les choses de la même façon", conclut le Time.