Insalubrité, promiscuité, précarité : les conditions de vie et d’hygiène dans les camps de réfugiés en Europe et à ses frontières font resurgir certaines maladies infectieuses. C'est ce qui ressort d'une conférence sur les maladies infectieuses qui s'est tenue le week-end dernier à Amsterdam. Europe1.fr fait le point.
- Quelles sont les maladies qui refont surface ?
Gale, rougeole, tuberculose, ou encore le choléra : il s’agit de maladies qui, pour la plupart, avaient été oubliées. Ces infections se sont déjà déclarées dans des camps de réfugiés : la rougeole en France et en Turquie, la gale aux Pays-Bas, la salmonelle en Allemagne et le SAMR, une infection de la peau résistante aux antibiotiques, en Suisse.
Et cette résurgence de maladies infectieuse inquiète les experts. La tuberculose, la polio et la rougeole "devraient être considérées comme des menaces émergentes pour les réfugiés", estime le spécialiste turc en maladies infectieuses, Hakan Leblebicioglu.
Mais "il ne s’agit que de quelques cas", tient à tempérer Jade Pena, responsable des activités médicales de Médecins sans frontières (MSF), interrogée par Europe 1. "Pour la tuberculose, par exemple, il n’y a eu que quelques cas qui ont très vite étaient pris en charge".
- Comment expliquer le retour de ces maladies ?
Ces maladies, tout d'abord, refont surface, en raison des conditions de vie des réfugiés. Beaucoup de migrants se retrouvent dans des camps mal équipés et vivent dans une très grande précarité et promiscuité. A Idomeni, par exemple, à la frontière entre la Grèce et la Macédoine, 15.000 migrants vivent dans un camp prévu pour 3.000 personnes.
A cela s’ajoutent la fatigue, une mauvaise alimentation et donc une baisse des défenses immunitaires. Ces personnes deviennent alors les cibles faciles de ces maladies infectieuses.
Autre raison à la réapparition de ces maladies : le manque de vaccination. "Beaucoup de réfugiés viennent de pays où le système de santé n’est pas du tout développé", explique Jade Pena, de MSF. "En Afghanistan par exemple, il y a un vrai problème de vaccination de la population, alors qu’en Syrie, jusqu’en 2011, le système de santé fonctionnait bien", ajoute-t-elle.
- L’Europe est-elle vulnérable face à ces maladies ?
Pour le spécialiste turc en maladies infectieuses, Hakan Leblebicioglu, ces maladies refont surface à un moment où le mouvement anti-vaccins européen provoque des "vides dans la couverture", de la population. Mais les experts jugent peu probable le développement d’épidémies au sein de la population locale européenne. "Et puis, il faut éviter toute diabolisation de ces populations", prévient Jade Pena, de Médecins sans frontières. "Il faut savoir que ces maladies existent déjà en Europe, elles ne sont pas nouvelles", ajoute-elle.
Pour l’experte, le problème aujourd’hui est surtout celui "des dépistages dans les camps de réfugiés" qui sont effectués au hasard. L’humanitaire déplore aussi l'absence de politique européenne commune pour dépister les nouveaux arrivants, les traiter et les vacciner.
Les systèmes européens sont de plus surchargés, affirment les experts. Ces derniers appellent donc à une augmentation des fonds et à une approche commune pour le dépistage et le traitement. Seulement un tiers des gouvernements européens ont une politique de dépistage de la tuberculose, assure l'expert italien de santé publique, Alberto Matteelli.