S’il peut le mettre K.O d’un maître coup de poing, il est souvent difficile pour un poids lourd d’atteindre le poids mouche. Ce scénario de David contre Goliath, les Etats-Unis le connaissent bien, puisque la première puissance militaire mondiale doit y faire face au Waziristan (la frontière afghano-pakistanaise) depuis 2004. Elle devrait d'autres difficultés dans sa lutte contre l’Etat islamique, le "cancer" qu’Obama a promis de "détruire" après que deux journalistes américains ont été décapités ces derniers jours. Contacté par Europe1.fr, Jean-Charles Brisard, consultant international et spécialiste du terrorisme, explique pourquoi la lutte contre l’Etat islamique s'annonce compliquée pour une armée conventionnelle.
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Parce qu’il faut lancer une opération terrestre. "Les frappes aériennes sont insuffisantes pour détruire l’Etat islamique, il faut combattre au sol", explique le professeur à l’IEP de Strasbourg. Il estime également que tout l’enjeu sera de parvenir à frapper les bases arrières et les postes de commandement, "qui en plus ne sont pas forcément en Syrie et en Irak".
Parce qu’il faut trouver des alliés régionaux. Mais dans le cadre de la coalition esquissée au sommet de l’Otan à Newport avec une dizaine d’Etats-membres de l’organisation atlantique, le secrétaire d’Etat américain John Kerry et le secrétaire à la Défense britannique Chuck Hagel l’ont bien dit : "A l’évidence, il y a une ligne rouge que nous partageons, pas de troupes au sol".
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La future coalition devra donc trouver des alliés dans la région pour mener les combats terrestres. Jean-René Belliard, consultant et spécialiste du Moyen-Orient, explique dans son blog sur la Tribune de Genève que la Turquie a déjà refusé aux Etats-Unis de mettre à disposition les bases situées sur son territoire hors du cadre de l’Otan. Elle a en revanche ouvert son espace aérien, tandis que la Jordanie et l’Arabie Saoudite, alliés traditionnels, ont accepté de coopérer logistiquement et pour le renseignement.
Sur le terrain en revanche, il faudra avant tout compter sur l’armée irakienne et sur les Kurdes pour combattre pied à pied Daech (l'acronyme de l'Etat islamique en arabe). Les Etats-Unis et les puissances de la coalition seront "dans une logique d’encadrement, d’envoi de conseillers et de forces spéciales américaines avec des moyens aériens, du renseignement, mais pas plus", professe Jean-Charles Brisard.
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Parce que jamais une organisation terroriste n’avait eu une telle puissance économique. Il sera également compliqué de combattre EI car l’Etat islamique détient de grandes ressources économiques :"60% de la production pétrolière syrienne, 20% de la production pétrolière irakienne et 40% du blé irakien" précise Jean-Charles Brisard. Le spécialiste estime qu’il faudra donc "pratiquer un blocus pour affaiblir l’adversaire. Ce genre de blocus adapté à une organisation non-étatique a déjà existé par le passé, en 1992 l’ONU avait voté un blocus contre l’Unita, les indépendantistes angolais." Pour Didier Leroy, professeur à l’Université Libre de Bruxelles interviewé sur la RTBF, l’Etat islamique autoproclamé serait plus la plus riche du monde avec 500 millions de dollars.
Comme dans toute guerre, les opposants tentent donc de frapper là où ça fait mal, à savoir au portefeuille. Jean-Charles Brisard prévient tout de même que cette tactique n’est pas sans risques : "L’Etat Islamique a désormais environ huit millions d’habitants sous son contrôle. Le blocus ne doit pas remettre en cause la sécurité alimentaire de cette population. Si c’était le cas, la coalition risquerait de se rendre très impopulaire et de renforcer le soutien à l’EI."
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Parce que la situation géopolitique est délicate. Enfin, lutter contre l’EI, "peut en bout de chaîne revenir à renforcer Bachar El Assad, ce qui peut sembler contradictoire", analyse Jean-Charles Brisard. C’est bien la raison pour laquelle une coopération avec l’Iran, soutien du dictateur syrien, est dores et déjà écartée.