L’INFO. Les pressions internationales étaient finalement trop fortes. La France a fait savoir, mercredi, que les conditions pour livrer les navires militaires Mistral, vendus à la Russie, "ne sont pas à ce jour réunies". Et François Hollande de préciser jeudi : "Quelles sont les conditions ? Un cessez-le-feu et un règlement politique. Aujourd'hui, ces conditions ne sont pas réunies. Comment pourrais-je autoriser la livraison d'un bateau qui peut demain être un bateau de guerre alors même qu'il y a la crise en Ukraine ?".
Une volte-face. Alors que la Russie s’est embourbée dans une grave crise diplomatique avec l’Ukraine, s’attirant les foudres de l’Occident, Paris a souvent été pointée du doigt, en ne souhaitant jamais remettre en cause la construction et la livraison de deux porte-hélicoptères, dont le juteux contrat s’élève à près de 1,2 milliard d’euros. Pourquoi un tel revirement de situation? Pour Didier François, spécialiste des questions de défense d’Europe 1, il y a deux raisons.
La présence de soldats russes en Ukraine est avérée. Tout d’abord, "les services de renseignement français ont acquis l’absolue certitude que des soldats russes participent directement aux combats sur le territoire ukrainien", affirme-t-il. "Des chars, des canons, et plusieurs centaines d’hommes, sont engagées dans l’offensive, lancée, la semaine dernière contre le port stratégique de Marioupol", énumère le spécialiste d’Europe 1.
Une présence qui n’est pas sans conséquence lors des combats. Forts de ces soutiens, les séparatistes pro-russes ont ainsi pu reprendre du terrain dans la région de Donetsk, au détriment de l’armée loyaliste ukrainienne. "Une escalade militaire extrêmement dangereuse, contraire à tous les engagements de la Russie, et qui inquiète tous les pays de l’Europe de l’Est", analyse Didier François. Difficile pour la France, dans ces conditions, de ne pas réagir.
Calmer le jeu avant le début du sommet de l’Otan. Si la France a réalisé ce geste diplomatique fort, c’est aussi parce que débute, mercredi soir, le sommet de l’Otan en Grande-Bretagne. "Il était très clair que la question des Mistral allait empoisonner les discussions", ajoute Didier François. "Paris ne pouvait pas continuer à faire la sourde oreille aux craintes de ses alliés, comme la Pologne, ou encore la Roumanie qui se retrouve avec une frontière maritime avec la Russie depuis l’annexion de la Crimée." Tous réclamaient une réponse plus ferme de la part de la France. C’est désormais chose faite.
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Oui, mais le contrat est toujours valide. Si la livraison des Mistral est aujourd’hui remise en cause par l’Etat français, la vente, pour laquelle Paris a déjà touché quasiment l’intégralité des 1,2 milliard d’euros n’est pas, en l’état, annulée. "Les termes choisis par le président sont extrêmement pesés", fait remarquer Didier François. "La décision de livraison doit intervenir en novembre", rappelle-t-il. D’ici là, il peut se passer mille choses. Comme un changement de politique en Russie ?