Tout sourire, aux bras de son épouse, David Cameron a entamé vendredi le premier jour de son second mandat. Le Premier ministre sortant, grand vainqueur des élections législatives britanniques de jeudi, sort considérablement renforcé de ces résultats aussi inattendus que spectaculaires. Alors que l’ensemble des sondages annonçaient une bataille serrée, le parti au pouvoir a déjoué tous les pronostics. Les conservateurs, assurés de disposer de la majorité absolue avec plus de 326 députés, ont largement battu leurs rivaux travaillistes. Pourtant, ce triomphe du parti de David Cameron n’occulte pas les immenses défis qui attendent le Royaume-Uni. Entre menaces de sortie de l’Union européenne, volonté indépendantiste de l’Ecosse et lutte contre les inégalités sociales, le second mandat du leader des Tories s'annonce semé d’embûches.
- Le spectre du "Brexit"
A peine réélu, David Cameron a réitéré sa principale promesse de campagne : l’organisation d’ici 2017 d’un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne. La victoire du Premier ministre sortant ravive ainsi le spectre d’un "Brexit", l’acronyme désignant la sortie du pays de l’UE. "En politique, nous ne devons jamais esquiver les grande questions, comme le référendum que nous devons tenir pour décider de l’avenir de la Grande-Bretagne en Europe", a clamé David Cameron. La victoire des partisans d’un "Brexit" n’est toutefois pas acquise. "Le référendum est gagnable", a assuré un haut responsable européen, sous couvert d’anonymat. "Je compte sur le nouveau gouvernement britannique pour plaider en faveur du maintien de la Grande-Bretagne au sein de l'UE", a ajouté le président du conseil européen, Donald Tusk.
D’ici là, les partenaires européens du Royaume-Uni s’attendent à deux années de difficiles négociations. David Cameron a notamment demandé le rapatriement de certaines compétences de l’UE vers les Etats membres, comme la politique étrangère commune ou la PAC (politique agricole commune). Pourtant Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a ouvert la porte à des modifications à la marge des traités, mais il a exclu catégoriquement toute concession majeure. Une porte-parole de l’exécutif bruxellois a ainsi déclaré vendredi que les libertés inscrites dans le traité européen, dont la liberté de circulation, ne sont "pas négociables". La Grande-Bretagne, qui est un membre à part dans l'Union européenne, a pourtant déjà obtenu d'importantes concessions. Le pays n’est par exemple pas membre de l’espace Schengen, l’espace sans frontières intérieures formé par 22 pays de l’UE et quatre non membres (Norvège, Suisse, Islande et Liechtenstein), et n'a pas adopté l'euro.
- Le poil à gratter écossais
La Grande-Bretagne n’a jamais semblé aussi désunie. Car, outre le triomphe des conservateurs, les élections britanniques ont consacré le parti nationaliste écossais. Le SNP (Scottish national party) a réalisé une percée historique, avec le gain de 56 des 59 députés mis en jeu dans la région. Cette spectaculaire victoire, dans une Ecosse réputée pour être un bastion travailliste, a renforcé les ardeurs des indépendantistes. Une importante frange des militants SNP ne cachent pas sa volonté de prendre sa revanche. Ils aspirent en effet à la tenue d’un nouveau référendum d’indépendance, malgré leur défaite au scrutin de septembre dernier.
Le parti mené par Nicola Sturgeon, désormais troisième force du pays derrière les conservateurs et les travaillistes, est toutefois en position de peser sur les décisions du gouvernement. Le SNP a mis la pression sur David Cameron, lui demandant d’honorer ses promesses formulées avant le référendum sur l’indépendance. Les nationalistes écossais espèrent notamment obtenir des pouvoirs accrus sur les impôts et la maîtrise des finances. Autre point de friction avec le gouvernement : l’attitude face à un éventuel "Brexit". Nicola Sturgeon, europhile convaincue, a prévenu qu’une sortie de l’UE serait une condition suffisante pour reposer la question de l’indépendance.
- Lutter contre le creusement des inégalités sociales
L’élection de David Cameron a fait des heureux du côté de la City. La place financière de Londres a salué vendredi la victoire sans appel des conservateurs, attendant la poursuite d’une politique d’austérité favorable aux entreprises. Les milieux économiques, partisans des mesures prises par David Cameron depuis 2010, s’inquiètent toutefois d’un référendum sur le maintien ou non du pays dans l’UE. Les entreprises, dont l’activité dépend énormément des échanges avec le reste de l’Europe, sont en majorité pour un maintien dans l’UE.
Si l’économie britannique obtient de bons résultats, avec une croissance solide de 2,8 % l’an dernier et un chômage en baisse, le creusement des inégalités commence toutefois à inquiéter. Les adversaires de David Cameron lui ont reproché durant la campagne les dégâts de sa politique d’austérité, qui a certes permis de redresser l’économie du pays mais a creusé le fossé entre les riches et les pauvres. Dans son discours de victoire, vendredi, le Premier ministre a semblé tenir compte de ces critiques. David Cameron a ainsi émaillé son propos de préoccupations sociales, avec les mots "emplois", "apprentissage" ou encore "logement". La réduction des inégalités sera une autre des priorités du second mandat du leader conservateur.