Identités des suspects, tenue du procès, réactions diplomatiques… Les derniers éléments de l'enquête sur le crash du MH17

Le procureur néerlandais Fred Westerbeke, qui dirige l'équipe d'enquête internationale, a révélé l'identité de quatre suspects, mercredi.
Le procureur néerlandais Fred Westerbeke, qui dirige l'équipe d'enquête internationale, a révélé l'identité de quatre suspects, mercredi. © JOHN THYS / AFP
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Margaux Leridon , modifié à
Près de cinq ans après le crash d'un avion de la Malaysia Airlines au-dessus de l'est séparatiste de l'Ukraine, l'équipe internationale d'enquête chargée de l'affaire a révélé mercredi les noms de quatre suspects. Ils seront jugés en 2020.
ON DÉCRYPTE

L'équipe internationale d'enquête sur le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines, abattu le 17 juillet 2014 au-dessus de l'est séparatiste de l'Ukraine, a révélé mercredi l'identité de quatre suspects, trois Russes et un Ukrainien. Ils sont accusés d'avoir pris part à l'acheminement ou au déclenchement du système de défense anti-aérienne russe BUK dont un missile a frappé l'avion, qui reliait Amsterdam, aux Pays-Bas, à Kuala Lumpur, en Malaisie, faisant 298 morts. Les quatre hommes seront jugés pour meurtres en mars 2020. Europe 1 détaille les derniers éléments de cette enquête hors norme, annoncés lors d'une conférence de presse à Nieuwegein, aux Pays-Bas.  

Qui sont les suspects ?

Igor Guirkine, ancien colonel des services de renseignements russes de 48 ans, était l'un des principaux commandants des séparatistes au début du conflit avec l'armée ukrainienne, en 2014. Ce vétéran des guerres de Tchétchénie et de Yougoslavie, surnommé "Strelkov" ("Tireur") a été ministre de la Défense de la République autoproclamée de Donetsk. Il était à la tête des combattants pro-russes lors du siège de Slaviansk, bastion des séparatistes, finalement abandonné à l'armée ukrainienne en juillet 2014. C'est deux semaines plus tard que le vol MH17 a été abattu. Démis de ses fonctions peu de temps après, dans des circonstances troubles, Igor Guirkine est rentré en Russie. Mercredi, il a nié toute implication des forces séparatistes dans le crash. "Tout ce que je peux dire, c'est que le Boeing n'a pas été abattu par les rebelles", a-t-il déclaré.

Sergueï Doubinski aurait rencontré Igor Guirkine lors de la première guerre de Tchétchénie. Comme lui, il faisait partie des milices pro-russes en Ukraine. Il aurait été responsable du renseignement militaire de la République autoproclamée de Donetsk, tout en étant lié au renseignement militaire russe, le GRU, selon les autorités de Kiev. D'après le le site d'investigations Bellingcat, c'est lui qui aurait demandé la livraison du système de défense anti-aérienne BUK à la Russie pour soutenir les séparatistes sur le front. Il aurait supervisé son transport en Ukraine et son retour en Russie après le crash. Il a quitté les territoires séparatistes en 2015, et vivrait désormais à la campagne, près de Rostov-sur-le-Don, en Russie.

Oleg Poulatov était l'un des adjoints de Sergueï Doubinski à la tête du renseignement militaire des séparatistes. Cet ancien officier russe de 52 ans aurait participé au transport du BUK en Ukraine, et assuré la sécurité de la zone où sont tombés les débris de l'avion, après le crash. Il résiderait actuellement en Russie.

Leonid Khartchenko est le seul Ukrainien parmi les quatre accusés. Cet homme de 47 ans est déjà recherché par la justice de son pays pour sa participation au conflit du côté des séparatistes. Il aurait aidé au transport et à l'évacuation du système BUK. 

Comment seront-ils jugés ?

Un procès se tiendra en mars 2020 aux Pays-Bas, État dont 196 des 298 passagers de l'avion étaient des ressortissants. Un traité a en effet été signé en 2018, entre La Haye et Kiev, en vue de l'organisation de l'audience. Elle se tiendra au tribunal de Schiphol, en banlieue d'Amsterdam. Les quatre accusés seront jugés "en premier lieu pour avoir causé le crash du vol avec pour conséquence la mort de tous les passagers de l'avion. En deuxième lieu, ils sont poursuivi pour le meurtre des 298 passagers", a indiqué mercredi le procureur néerlandais Fred Westerbeke, qui dirige l'équipe d'enquête internationale. 

Des mandats d'arrêts internationaux ont été délivrés à l'encontre des suspects, mais ils seront vraisemblablement jugés par contumace. La Russie et l'Ukraine refusent en effet d'extrader leurs citoyens, et l'Ukrainien, recherché par Kiev, est introuvable. Quant à Igor Guirkine, il a d'ores et déjà annoncé qu'il ne témoignerait pas.

"Je suis réaliste: la chance qu'ils soient présents est faible, mais ce procès a surtout une énorme importance pour les proches des victimes", a reconnu le procureur Fred Westerbeke. De fait, le président d'une association de familles des victimes a salué le "courage" du parquet néerlandais, qui n'a "épargné personne pour des raisons politiques". La mère d'un des passagers s'est également déclarée "heureuse que le procès puisse enfin débuter". 

Que disent Kiev et Moscou ?

Dans la foulée des annonces de l'équipe internationale d'enquête, la diplomatie ukrainienne a appelé "la Fédération de Russie à reconnaître sa responsabilité" et à "commencer à coopérer". L'ancien président Petro Porochenko, au pouvoir au moment du drame, s'est félicité des dernières informations révélées. "La vérité, c'est comme le soleil, on ne peut pas la cacher avec la paume de la main." 

De son côté, le ministère russe des Affaires étrangères a dénoncé des "accusations gratuites" visant à discréditer le pays, dans la droite ligne de ses nombreux démentis passés. "Aucune preuve concrète n'a été présentée pour appuyer de telles allégations illégitimes", selon Moscou, qui accuse les enquêteurs de se baser sur des "sources d'information douteuses". "La Russie va néanmoins continuer d'apporter son assistance à l'enquête pour établir la vérité sur le crash du vol MH17 et pour que les vrais responsables de ce qui s'est passé soient dûment punis", conclut le communiqué du ministère russe.