Huit mois après l’accord signé à Genève pour le démantèlement de l’arsenal chimique syrien, de nouvelles accusations planent sur le régime de Bachar al-Assad. Damas aurait récemment eu recours à des armes chimiques, plus précisément des bombes au chlore. Mardi, des opposants ont ainsi dénoncé une attaque au chlore sur un village de la province de Hama, dans le centre du pays. L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), en charge avec l’ONU de la destruction de l’arsenal syrien, a envoyé une mission en Syrie pour tenter de récolter des preuves. Est-ce le signe que le démantèlement de l'arsenal chimique syrien est un échec ? Explications avec Michael Luhan, porte-parole de l’OIAC.
Où en est le processus de démantèlement et de destruction des armes chimiques en Syrie ? Une grande partie du processus a déjà été accompli. Lors des premiers mois de la mission, toutes les installations de production d’armes chimiques en Syrie ont été neutralisées. A la fin-novembre, les munitions prévues spécifiquement pour être utilisées avec des armes chimiques ont été détruites. Et depuis le 1er janvier de cette année, plus de 92% des composants chimiques issus du programme d’armes chimiques syrien ont été retirés du pays pour être détruits. Par ailleurs, environ 120 tonnes d’isopropanol ont été détruites. Ce produit était stocké en grande quantité en Syrie, car il s’agit d’un précurseur qui permet de fabriquer du gaz sarin. Et nous avons vérifié que tous les stocks d’isopropanol ont bien été détruits.
Il est donc désormais impossible de fabriquer du gaz sarin en Syrie. Mais d’autres attaques chimiques, au chlore, ont été signalées. Comment est-ce possible ? Il faut comprendre que le chlore est l’un des produits chimiques industriels les plus courants, avec de nombreux usages légitimes. Les industries chimiques qui en produisent et le gouvernement qui en stocke ne sont pas tenus d’en faire part à l’OIAC : il est parfaitement légal pour le gouvernement syrien de conserver des stocks de chlore. En revanche, l’usage de chlore, ou d’autres produits chimiques, pour tuer ou nuire à des personnes, là il s’agit d’une violation de la convention sur les armes chimiques.
Quel est le rôle de la mission envoyée en Syrie ? L’OIAC a déployé une mission pour rechercher des faits. Toute utilisation de produits chimiques toxiques nous inquiète en effet sérieusement. Notre équipe va faire de son mieux pour vérifier ces allégations, en récoltant des preuves sur le terrain et pas seulement en recueillant des témoignages. Ces inspecteurs ont été déployés il y a environ une semaine mais la grande question c’est de savoir s’ils vont réussir à accéder aux sites où se seraient produites ces attaques au chlore. Tous ces sites sont situés dans des zones actuellement sous contrôle de groupes de l’opposition, où le gouvernement ne peut pas garantir un accès sécurisé aux inspecteurs.
Que se passera-t-il si ces attaques au chlore sont avérées ? L’OIAC n’a aucun pouvoir de sanction. S’il y a bien une violation sérieuse de la convention sur les armes chimiques, vérifée par nos inspecteurs, alors notre conseil exécutif pourra transmettre le dossier au conseil de sécurité de l’ONU. Mais il est encore prématuré d’en parler.
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