Un an de Giorgia Meloni au pouvoir en Italie : à réformes impossibles, promesses non tenues

Giorgia Meloni a été élue Première ministre et cheffe du gouvernement italien le 22 octobre 2022.
Giorgia Meloni a été élue Première ministre et cheffe du gouvernement italien le 22 octobre 2022. © Andreas SOLARO / AFP
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avec AFP
Ce mois d'octobre marque la première année du septennat de Giorgia Meloni en Italie. C'est alors l'occasion d'en tirer de premières conclusions, notamment en termes de questions migratoires, un grand volet de sa campagne électorale de 2022. 

Depuis son arrivée aux affaires en Italie il y a un an, le gouvernement ultraconservateur de Giorgia Meloni a mis sur la table une ribambelle de réformes totémiques pour son électorat, au risque d'accoucher de textes inapplicables. La liste de ces textes avortés est longue : répression contre les mineurs délinquants, lutte contre les passeurs de migrants, plafonnement du prix des billets d'avion, taxe sur les "surprofits" des banques... Incompatibles avec la Constitution, contraires aux règlements européens ou à la mécanique du marché, ces textes de loi sur des marqueurs politiques forts de l'exécutif de droite/extrême droite sont retoqués par la justice ou le parlement, pourtant dominé par une majorité aux ordres.

Claudio Cerasa, directeur du quotidien de droite Il Foglio, résume ainsi le processus : "Utiliser les lois non pour gouverner, mais pour faire de la propagande". Qu'importe : l'opposition s'étrangle, les médias en parlent et les électeurs reçoivent le message. L'essentiel, pour la cofondatrice du parti post-fasciste Fratelli d'Italia, est qu'il en reste toujours quelque chose. Et cela semble payant car le parti n'a jamais été aussi haut dans les sondages. 

Une stratégie d'autant plus nécessaire que depuis son entrée en fonctions en octobre 2022, Giorgia Meloni a dû, bon gré mal gré, ravaler certaines de ses promesses de campagne, en particulier celle d'endiguer l'arrivée par la mer des migrants : ils sont deux fois plus nombreux à être entrés sur le territoire depuis le 1ᵉʳ janvier que sur les dix premiers mois de l'année dernière. "Le gouvernement n'a pas fait grand-chose (...) il a poursuivi la politique" de ses prédécesseurs, "accentuant parfois les éléments répressifs qui plaisent à droite", estime Gianfranco Pasquino, professeur de Sciences politiques à l'université de Bologne.

"Propagande"

La méthode Meloni est rodée : une loi est adoptée en conseil des ministres, annoncée à la presse puis modifiée ou annulée par les commissions compétentes du parlement car impossible à adopter en l'état. Dans d'autres cas, ce sont les juges qui ont censuré ces textes adoptés à la va-vite. Un décret publié fin septembre au journal officiel prévoyait ainsi d'exiger une caution de 5.000 euros des migrants déboutés du droit d'asile sous peine d'être envoyés dans un centre de rétention pendant l'examen de leur recours. Mais des juges ont fait libérer des Tunisiens incarcérés en vertu de ce texte au motif qu'il est contraire au droit italien et européen. Le gouvernement s'est empressé de faire appel.

"Une chose est de faire de la propagande politique pour obtenir des voix et gagner des élections, une autre est de gouverner", relève le professeur Francesco Clementi, de l'université romaine La Sapienza. "Ce que la politicienne Meloni a promis, la présidente du conseil ne peut le tenir", observe-t-il. Annoncée en août par Giorgia Meloni, une taxe exceptionnelle de 40% sur les "surprofits" des banques a dû être modifiée 24 heures plus tard pour finir réduite de moitié environ, les cours des banques ayant fortement chuté à la bourse.

De même, un décret plafonnant à un maximum de "200% du prix moyen" le prix des billets d'avion sur certains vols nationaux a été modifié et cette limite purement et simplement supprimée, Ryanair ayant déposé une plainte à Bruxelles. Et quand ce n'est pas le gouvernement, ce sont les parlementaires de Fratelli d'Italia qui se chargent d'envoyer des messages à leur électorat, conservateur et catholique. Une proposition de loi, encore en examen au parlement, a récemment soulevé un tollé dans l'opposition. Elle vise à punir les Italiens recourant à la gestation pour autrui (GPA, illégale en Italie) même si c'est dans un pays où elle est légale.

"Logique d'annonce"

Vendredi, Giorgia Meloni a revendiqué "un an de bon gouvernement" qui a démontré par les faits qu'il "est possible de construire une autre Italie, une Italie du mérite, du travail, de la croissance, de la famille, de la légalité". "Rien d'inoubliable et rien d'imprévisible", objecte Gianfranco Pasquino. Et certains de ces projets de réforme répondent simplement à "une logique d'annonce", renchérit l'avocat Gaetano Scalise, président de la Chambre des avocats pénalistes de Rome. Un rideau de fumée, avance de son côté son confrère napolitain Antonio Nobile, qui défend l'écrivain Roberto Saviano dans un procès pour diffamation intenté par Giorgia Meloni.

Comme l'Italie "a une énorme dette publique" et ses ressources sont limitées, "ces mesures permettent de détourner l'attention des vrais problèmes des citoyens, monopolisant le débat politique", analyse-t-il. Antonio Nicita, vice-président des sénateurs du Parti démocrate (PD, centre-gauche), partage cet avis : "Le gouvernement compense une performance socio-économique décevante par des interventions idéologiques et populistes sur la criminalité et les migrants".