C'est la première fois qu'ils vont se prononcer dans les urnes sur l'indépendance de leur région, malgré l'opposition de Madrid. Dimanche, les électeurs de Catalogne votent pour un scrutin crucial. Dans la forme, ce ne sont que des élections régionales destinées à renouveler le parlement de cette région industrieuse de 7,5 millions d'habitants située dans le nord-est, entre Pyrénées et Méditerranée. Mais les indépendantistes présentent ces élections régionales comme un plébiscite sur l'indépendance et, reconnaissant que l'enjeu est "historique", ce sont les leaders nationaux qui ont mené la campagne en Catalogne, à commencer par le chef du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy.
Dimanche matin, les bureaux de vote ont ouvert pour accueillir les premiers Catalans à vouloir se prononcer dans les urnes. La principale liste indépendantiste, "Junts pel si", qui signifie "Ensemble pour le oui", et dont la figure de proue est le président catalan sortant Artur Mas, veut lancer le processus de sécession si elle obtient, avec l'autre liste indépendantiste, la majorité absolue au Parlement régional, soit 68 sièges sur 135.
"Perque units guanyem". Vendredi, le Parti populaire (droite, au pouvoir) a diffusé un spot en langue catalane pour demander aux Catalans de rester en Espagne. Fait rarissime, Mariano Rajoy le conclut lui-même en prononçant trois mots : "perque units guanyem", soit "ensemble nous gagnons". Un slogan proche de celui utilisé par le Premier ministre britannique David Cameron - "better together" ("mieux ensemble") - avant le référendum d'autodétermination de 2014 en Ecosse, qui s'était soldé par 55,4% de "non" à la sécession.
Vendredi soir, l'ex-président français Nicolas Sarkozy devait rejoindre Mariano Rajoy à Barcelone pour clore avec lui cette campagne, trois mois avant un autre scrutin crucial, les élections législatives qui pourraient remettre en cause la majorité absolue du PP.
Vers un processus de sécession. Le président sortant de la région, Artur Mas (conservateur), et ses alliés indépendantistes promettent, s'ils l'emportent, de défaire la Catalogne du "joug" de la monarchie espagnole en un an et demi à deux ans. Après un siècle de fâcheries et de tensions plus ou moins vives avec Madrid autour de la langue - interdite sous la dictature de Francisco Franco (1939-1975) - et la fiscalité, le fossé s'est brutalement creusé, sur fond de grave crise économique.
Furieux de l'invalidation par le Tribunal constitutionnel en 2010 d'une partie du statut d'autonomie de la région, les nationalistes réclamaient en vain depuis 2012 un référendum d'autodétermination. Face au refus de Madrid, ils l'organisent indirectement à travers ce scrutin : s'ils obtiennent la majorité absolue des sièges au parlement régional, comme le prévoient les sondages, ils promettent d'entamer le processus de sécession. Dans un entretien avec l'AFP, Artur Mas a cependant estimé qu'une négociation avec Madrid en vue d'un véritable référendum était encore possible si les listes indépendantistes n'obtenaient pas la majorité des voix.
Sans la Catalogne, l'Espagne perd 19% de son PIB. Sans la Catalogne, le pays serait amputé non seulement de 16% de sa population mais aussi de 25% de ses exportations et de 19% de son PIB. Et les ministres espagnols jouent les Cassandre, annonçant qu'une séparation ferait de la Catalogne un Etat paria et ruiné, exclu de l'Union européenne, où le chômage monterait à 37% et les retraites plongeraient de 44%. Les banques, les grands groupes et les marchés s'inquiètent, au moment où l'Espagne commence à sortir de la crise, avec une croissance de 3,3% prévue pour 2015.