C'est une enquête exceptionnelle. Six mois durant, un journaliste équipé d'une caméra cachée a infiltré une cellule d'aspirants djihadistes à Paris et Châteauroux, qui préparaient un attentat en France avant d'être presque tous arrêtés fin 2015. Le résultat de son travail, un documentaire d'une heure et demie Soldats d'Allah, sera diffusé lundi sur Canal + dans Spécial Investigation.
Comprendre les motivations. D'abord, le journaliste Saïd Ramzi (un pseudonyme), musulman "de la même génération que les tueurs du Bataclan", a gagné leur confiance. Les premiers contacts, via des groupes prêchant le djihad sur Facebook, sont faciles. Il rencontre ensuite en personne celui qui se présente comme "l'émir" d'une dizaine de jeunes gens, certains musulmans par leur famille, d'autres convertis. L'enquête a lieu à Châteauroux (Indre), dans le parc d'une base de loisir, déserte en hiver. Les enregistrements des conversations permettent de comprendre les motivations de ces apprentis djihadistes.
"Pas d'islam dans cette affaire". Ce qui a filtré est édifiant. "L'un des enseignements principaux est que je n'ai pas vu d'islam dans toute cette affaire. Aucune volonté de rendre le monde meilleur. Seulement des jeunes paumés, frustrés, perdus, suicidaires, faciles à manipuler. Ils ont eu la malchance d'être nés à cette époque où il y a l'Etat islamique. C'est très triste. Ce sont des jeunes en quête, et c'est ce qu'ils ont trouvé", raconte le journaliste.
"Nos femmes nous y attendent avec des anges". Lors de sa première rencontre avec l'émir, celui-ci lui dit : "Viens, frère, on va au paradis. Nos femmes nous y attendent, avec des anges comme serviteurs. Tu auras un palais, un cheval ailé fait d'or et de rubis". Autre exemple lors d'une rencontre devant une mosquée de Stain (Seine-Saint-Denis), un membre du groupe montre un avion en approche des pistes du Bourget. "Avec un petit lance-roquettes, tu peux en avoir un comme il faut... Tu fais un truc comme ça et tu signes Dawla (l'Etat, pour l'EI), la France est traumatisée pendant un siècle".
"Frapper une base miliitaire...les journalistes". Certains, comme Oussama (l'émir), tentent de rejoindre les "terres du califat" en Syrie. Arrêté par la police turque, remis à la France, il fait cinq mois de prison avant d'être libéré. Sous contrôle, obligé de signer une fois par jour à la gendarmerie, il garde néanmoins le contact, donne des rendez-vous au cours desquels le projet de commettre un attentat en France prend forme. "Il faut frapper une base militaire", assure Oussama. "Quand ils mangent, ils sont tous alignés.... Ta-ta-ta-ta-ta ! Ou alors les journalistes, BFM, iTélé, ils sont en guerre contre l'islam. Comme ils ont fait à Charlie. Il faut leur casser le cœur. Par surprise, qu'est-ce que tu veux qu'ils fassent. Ils ne sont pas bien protégés. Il faut que les Français meurent par milliers".
Projet d'attaque suicide. Les choses s'accélèrent quand le journaliste infiltré reçoit le plan d'attaque suicide d'une boîte de nuit. Des membres du groupe à Orléans assurent aussi être parvenus à se procurer une kalachnikov, mais l'étau se resserre. Les premières arrestations ont lieu. Le journaliste a arrêté là son infiltration, après avoir atteint son objectif de "montrer les coulisses d'une organisation qui maîtrise totalement son image". A voir dès lundi, à 21h.