Un sommet crucial de deux jours s’ouvre à Bruxelles jeudi. Les 28 doivent examiner la révision des termes d’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne afin d’éviter un "Brexit". Mais certains refusent de voir l’Europe céder aux exigences de Londres, quitte à envisager la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Quelles en seraient les conséquences ?
Paris deviendra-t-elle la première place financière ? Bien qu’elle ne soit pas dans la zone euro, la City a toujours été la place financière de la monnaie unique. Si Londres venait à sortir de l’UE, la capitale française pourrait elle la remplacer ? Cette question n'agite guère la place de Paris, tant ses banquiers et financiers doutent qu'ils aient grand-chose à y gagner. Selon Pierre de Lauzun, délégué général de l'Association des marchés financiers (Amafi), "ce qui est navrant pour nous, c'est que nous ne récupérerions pas l'activité qu'ils (les Britanniques) perdraient", explique-t-il. Pour l’expert, l’effet serait même négatif car une grande partie du savoir-faire, de la présence des investisseurs, de l'ouverture mondiale qu’offre Londres ne se retrouveraient pas à Paris.
Que deviendront les expatriés installés en Grande-Bretagne ? La crainte est réelle chez les expatriés Outre-Manche d'être "boutés" hors du Royaume-Uni si les Britanniques votaient pour un "Brexit" lors du référendum de juin. Si c’est le cas, les trois millions d'Européens vivant au Royaume-Uni seront en première ligne. Faudra-t-il un visa ? Un permis de travail ? Subir la préférence nationale ? Un enfer bureaucratique ? Gagner un nombre de points ou un salaire plancher pour rester ? Plier bagage ? Personne n'en sait rien. Et il est d'autant plus difficile de deviner les éventuelles conséquences sur les expatriés que le gouvernement assure ne pas étudier le scénario d'un "Brexit".
A quoi ressembleraient les relations entre la Grande-Bretagne et l’UE ? Il existe plusieurs scénarios possibles, mais les partisans du "Brexit" privilégient la conclusion d'un accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et l'UE, similaire à celui que le Bloc vient de signer avec le Canada et qui prévoit la suppression de 99% des droits de douane. Ils font valoir qu'un tel accord permettrait à leur pays de commercer encore plus largement avec l'UE, tout en étant libre de négocier directement avec d'autres pays comme les Etats-Unis et les pays émergents.
Les défenseurs de la sortie du Royaume-Uni soulignent que Londres affiche un déficit commercial avec l'UE (7,6 milliards de livres en décembre 2015) et que l'Union n'a donc aucun intérêt à perdre un tel partenaire. "Dans les minutes qui suivront un vote pour le "Brexit", les PDG de Mercedes, BMW, VW et Audi frapperont à la porte de la chancelière (Angela) Merkel pour réclamer qu'il n'y ait pas de barrière à l'accès au marché britannique pour les Allemands", a déclaré le député conservateur David Davis. "Les premiers mois après le "Brexit" seront probablement hystériques, mais les dirigeants de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie, de la Pologne et des autres pays savent que le moyen de perdre des élections est de détruire sa propre industrie", a ajouté ce partisan du "oui" au "Brexit".
Le camp des partisans du maintien de la Grande-Bretagne dans l'UE note, de son côté, qu'il faut souvent bien plus que deux ans pour conclure un accord de libre-échange. Sept années se seront ainsi écoulées entre les négociations et l'entrée en vigueur de l'accord UE-Canada. La Grande-Bretagne, seule, n'aurait pas le même poids commercial que l'UE pour négocier, souligne-t-il.
Y-aura-t-il enfin une Europe politique ? Le Royaume-Uni a toujours été, au sein de l'Union européenne, une voix dissidente au sein de l’UE qui n’a jamais voulu de véritable intégration européenne. Un "Brexit" pourrait permettre d’avancer sur une gouvernance européenne, notamment en termes de défense et de budget communs. De plus, certains observateurs estiment qu’avec la sortie de Londres, certains eurosceptiques perdraient leur leader naturel, ce qui permettrait d’avancer plus facilement vers l’intégration.
Un "Brexit" pourrait-il tuer le football britannique ?
La question a été posée par Karren Brady, vice-présidente du club de Premier League de West Ham. Dans une lettre aux équipes professionnelles d'Angleterre, d'Écosse et du pays de Galles, la baronne, membre de la chambre des Lords britannique, souligne que se "couper de l'Europe aurait des conséquences dévastatrices" pour l'économie et la compétitivité du football britannique.
Selon elle, il serait plus difficile d'attirer les meilleurs joueurs européens et ceux qui évoluent déjà en Grande-Bretagne pourraient être obligés de repartir. "La liberté de mouvement joue un rôle déterminant dans les transferts et les contrats des joueurs. Les joueurs européens peuvent signer dans des clubs britanniques sans avoir besoin de visa ou de permis de travail, accélérant et facilitant la venue des meilleurs joueurs européens", écrit-elle, ajoutant que "des études indépendantes ont montré que deux-tiers des stars européennes en Angleterre ne rempliraient pas les critères d'exemption de visa et pourraient ainsi être forcés de partir", ajoute-t-elle.