Le tribunal suprême de justice, un organe parallèle en exil nommé par le Parlement vénézuélien, seule institution tenue par l'opposition, a condamné mercredi le président Nicolas Maduro à 18 ans de prison pour corruption dans l'affaire Odebrecht. Le tribunal a "démontré la réalité des délits de corruption et blanchiment de capitaux" et a ordonné que le président purge sa peine au centre de détention de Ramo Verde, dans l'état vénézuélien de Miranda, a déclaré le juge Rafael Rommel-Gil depuis Bogota où le TSJ est en exil.
Deux amendes. En outre, ce tribunal parallèle a infligé au chef de l'Etat socialiste une amende de 25 millions de dollars pour corruption, et une autre de 35 milliards de dollars pour blanchiment, et a frappé Nicoals Maduro d'inéligibilité pour toute la durée de la peine. Les juges ont émis un mandat d'arrêt international. L'ancienne procureure générale du Venezuela Luisa Ortega, chaviste devenue opposante à Maduro et qui a fui le pays en août 2017 après avoir été limogée par l'Assemblée constituante, créée par le pouvoir chaviste pour neutraliser le Parlement, a écouté la sentence prononcée dans une salle du Congrès colombien. Odebrecht, le géant de BTP brésilien accusé d'avoir versé des pots-de-vin en échange de marchés publics, "a bénéficié d'innombrables marchés de travaux publics au Venezuela", qui "ont été payés mais n'ont jamais vu le jour", a déclaré Luisa Ortega durant le procès.
Un verdict raillé par l'Assemblée constituante. Depuis Caracas, le président de l'Assemblée constituante, Diosdado Cabello, a rejeté la sentence. "Ils se trouvent en Colombie et affirment qu'ils peuvent depuis là-bas condamner le président du Venezuela et dire s'il peut continuer à le rester ? Mon Dieu", a-t-il déclaré lors de son allocution télévisée hebdomadaire. En mai, des magistrats exilés à Miami (Etats-Unis) avaient "suspendu" Nicolas Maduro de ses fonctions dans cette affaire. L'avocat commis d'office du président vénézuélien, Andrès Lindo, a soutenu que le tribunal ne devait pas condamner son client pour des contrats "qu'il n'a jamais signés" et au sujet desquels le "principe de précaution" incombait à d'autres autorités. "Éventuellement pourrait-on peut-être invoquer une responsabilité administrative mais pas une responsabilité pénale", a ajouté l'avocat.
Une légitimité remise en question. Le 9 avril, les 13 magistrats titulaires et leurs 20 suppléants du tribunal parallèle - exilés en Colombie, au Chili, aux Etats-Unis et à Panama - ont demandé au Parlement vénézuélien qu'il autorise la comparution de Nicolas Maduro pour corruption présumée dans le scandale Odebrecht. Le Parlement a approuvé la tenue du procès, mais les décisions de cette instance judiciaire parallèle sont considérées comme "nulles" par le Tribunal suprême de justice (TSJ) vénézuélien en exercice, contrôlé par le gouvernement de Nicolas Maduro. Le TSJ a dénié toute légitimité au Parlement, invalidant toutes ses décisions depuis que la Plateforme de l'unité démocratique (MUD), principale coalition d'opposition, a remporté en 2016 112 sièges sur 167. C'est dans le but de contrer les irrégularités supposées dans la désignation des juges du TSJ que des magistrats en exil ont été nommés par l'opposition vénézuélienne.