Elle a accompagné Nelson Mandela pendant une grande partie de sa vie. Mais là où Madiba, décédé le 5 décembre dernier prônait la paix et la réconciliation, se seconde épouse, entre 1958 et 1996, Winnie Mandela, a toujours adopté une ligne beaucoup plus radicale. Celle qui fut surnommée "la mère de la nation" s’en explique dans une interview exclusive donnée au Journal du Dimanche. Si je ne m’étais pas battue, il n’y aurait pas eu de Mandela", explique-t-elle pour rappeler que la lutte contre l’apartheid ne s’était pas déroulée seulement dans les geôles sud-africaines, où Nelson Mandela passa 27 ans de sa vie. "Le monde entier l’aurait oublié et il serait mort en prison, comme le souhaitaient ceux qui l’y ont jeté".
Nous étions la chair à canon. Pour Winnie Mandela, son ex-mari a été paradoxalement préservé en prison. "Ce qu’ont connu Mandela et les leaders de l’ANC en prison, à Robben Island, n’a rien de commun avec les épreuves qu’ont traversées le peuple sud-africain et nous, les militants de base de l’ANC, pendant toute ces années", assure Winnie Mandela. "Nous étions la chair à canon du combat contre l’ennemi. Eux, en prison, n’ont jamais été torturés comme nous l’avons été."
Du coup, estime-t-elle, Nelson Mandela était coupé des réalités. "Il était libre de croire en la paix tandis que nous, qui subissions la violence de l’apartheid, n’étions pas à l’aise avec cette notion", explique Winnie Mandela. "Nous n’avions que des pierres contre les armes modernes. Nous n’avions pas d’autre choix que de répondre à la violence par la violence. C’était ça, la réalité de l’époque."
Reste "la libération économique". Autre grief qu’adresse Winnie Mandela à son ex-mari : "Nous ne pensions pas que la libération économique serait indispensable pour parvenir à de meilleurs résultats que ceux que nous avons aujourd’hui", admet-elle. "Tout au long de ces vingt dernières années, nous avons vu que les valeurs qu’incarnait Mandela avaient du mal à s’ancrer dans la réalité. Ce n’est pas un secret que la jeunesse de ce pays est dans emploi, et qu’il s’agit d’une bombe à retardement. C’est le résultat de cette négociation avec le pouvoir il y a vingt ans et qui avait fait l’impasse sur cette indispensable libération économique", développe-t-elle.
La richesse de ce pays est toujours entre les mains d’une minorité, constate-elle enfin. "Un jour viendra où la richesse de ce pays atteindra les plus pauvres des pauvres", espère--telle toutefois.